14ème dimanche du Temps ordinaire – 5 juillet 2020
Za 9, 9-10 – Ps 144 – Rm 8, 9.11-13 – Mt 11, 25-30
J’aimerais revenir quelques instants sur ces premières lectures : quand on lit cet extrait du livre de Zacharie, notre reflexe chrétien nous projette presque automatiquement vers l’entrée de Jésus à Jérusalem qu’on lit ledimanche des rameaux. La situation décrite par Zacharie, Jésus l’accomplit. Rappelons-nous:Jésus,comme le roi annoncé par Zacharie,entre à Jérusalem sous les acclamations. Comme dans le livre de Zacharie, il est acclamé comme un roi alors qu’il s’approche pourtant d’une façon très modeste et humble, monté non pas sur un char, mais sur un âne. Nous le savons, ce roi était attendu au tournant : les juifs du temps de Jésus attendaient,comme l’indique Zacharie,un roi puissant, un roi guerrier, qui serait capable de renverser la domination romaine… A la place de cela, voilà que Jésus se présente humble et serviteur, un Jésus non-violent qui va subir la croix parce qu’il a voulu aimer et assumer le don de sa vie jusqu’au bout.J’aimerais revenir également sur cette lettre de Paul aux Romains, parce qu’avec son espèce de pensée cyclique où les paroles semblent se répéter, on pourrait avoir l’impression d’un jugement un peu moralisant de la part de saintPaul,voire d’une sorte de mépris du corps. Je crois qu’il ne s’agit pas du tout de cela. Dans ce passage, Paul oppose l’emprise de la chair,qu’il faut fuir, à l’emprise de l’Esprit,qu’il faut intégrer et rechercher. Mais,attention, quand Paul parle de la chair, il ne fait pas lediscours moralisant que certainsd’entre vous ont peut-être connu, avec des expressions comme « péché de chair » qui évoquaient la sexualité d’une manière culpabilisante. Non, c’est une fausse interprétation ! Car le mot chair,dans la Bible,ne se réduit pas à la sexualité. Comprenons bien que « la chair », traduction du mot « sarx » en grec,signifie pour Paul toute l’humanité dans sa fragilité, tout l’être humain dans ce qu’il a de périssable, d’éphémère, de non fiable. Ce peut être,par exemple,l’argent, la jalousie, la haine, les rivalités, c’est-à-dire ce qui tôt ou tard conduit à un enfermement, ce qui conduit au péché, à la mort spirituelle, c’est-à-dire à une séparation de Celui qui est la Vie. C’est de cette emprise-là que Paul veut se détacher pour retrouver la liberté de suivre le Christ. Il nous invite donc à prendre en compte l’Esprit, c’est-à-dire l’amour du Christ incorporé en nous au jour de notre baptême. Il nous invite à J
en vivre, en nous abreuvantde Celui qui se donne en nourriture pour fortifier en nous sa Vie. Il y a eu unepériode,pas si éloignée que cela dans l’histoire de l’Église, où tout ce qui touchait au corps était considéré comme péché. Je crois que c’était une grave erreuret qu’il y a eu de très lourdes méprises à ce sujet. Elles ont d’ailleurs eu des conséquences graves et durables pour beaucoup de nos contemporains qui ont pris leur distance avec l’Église. Une erreur, parce qu’il ne faut jamais oublier l’essentiel et le cœur de notre foi : Jésus n’a jamais rejeté le corps;bien au contraire,il l’a sublimé;commeFils de Dieu,il l’a consacré en s’incarnant, en prenant chair, comme le dit la quatrième prière eucharistique, en toute chose excepté le péché. Vous connaissez le début de l’évangile de Jean : « et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous… » (Jn 1,14). C’est le même mot en grec « sarx » qui est utilisé dans le prologue de Jean et dans cet extrait de Paul aux Romains.Enfin, un mot sur l’évangile. « Père, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits.»Dieu aurait-il des chouchous ? Dieu se révèle bien à tous et à chacun, il ne s’adresse pas uniquement aux petits. Mais, de fait, une personne dépressive sera plus avide d’accueillir une parole d’espérance qu’une autre en bonne santé. Un réfugié sera plus impatient d’aspirer à la paixqu’une personne qui n’a jamais connu la guerre et les persécutions. Jésus parle « des sages et des savants » non pour stigmatiser ces personnesmais comme l’illustration de ceux qui sont repus et bien portants… Être« petit », c’est exprimer un désir, un manque, une soif, c’est crier vers Dieu pour qu’il vienne combler ma vie. Être« petit », c’est être en creux pour permettre à Dieu de trouver un espace en moi pour qu’il se révèle. « Prenez sur vous mon joug […] et vous trouverez le repos pour votre âme.»Quel paradoxe ! Quand on sait le poids d’une telle pièce de bois, comment s’en charger pourrait-il nous reposer ? Chômage, isolement, surendettement, précarité… Le poids de la vie des « petits » est déjà lourd.Mais ne nous trompons pas, Jésus ne nous ajoute pas un poids supplémentaire. Il nous charge de son joug, c’est-à-dire qu’il nous donne le moyen, l’outil précisément destiné à tirer notre fardeau. J’ose même croire que Jésus s’attelle à nos côtés sous le même jouget qu’il prend sa part de nos difficultés quand la charge devient trop lourde, de la même façon qu’il a porté sa croix jusqu’au bout de son amour donné pour nous.Seigneur, nous te confions nos vies avec ses pesanteurs et ses épreuves. Tu ne peux les supprimer comme par magie, mais toute ta vie témoigne qu’avec nous tu les portes, tu nous portes. Amen.