Solennité de la Toussaint – 1er novembre 2020
Ap 7, 2-4. 9-14 – Ps 23 – 1 Jn 3, 1-3 – Mt 5, 1-12a
Homélie du Fr Tuan Nguyen (aa)
Frères et Sœurs,
Toute l’Eglise est dans la joie ! Nous aussi, nous sommes dans la joie de fêter tous les saints. Nous fêtons ces hommes et ces femmes qui nous ont précédés dans la foi, qui ont terminé leur itinéraire terrestre et maintenant, ils sont auprès de Dieu. Nous les fêtons et rendons grâce à Dieu pour l’œuvre qu’Il a réalisée dans leur vie. Il y a des saints connus, proclamés par l’Eglise, mais il y a d’innombrables saints que Dieu seul connaît. Le passage de l’Apocalypse nous le décrit : « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes les nations, tribus, peuples et langues » (Ap 7, 9). Nous les fêtons aujourd’hui, nous nous unions à eux dans la communion des tous les croyants. Si les saints sont les membres venus au terme, par notre Baptême, nous sommes appelés, nous aussi, les « saints » : puisque nous sommes déjà sauvés, sanctifiés dans le Christ, mais en espérance, nous dit saint Augustin. Fêtons alors notre espérance. Marchons encore ! pourvu que nous avancions vers le même but : Aller vers Dieu. En ce jour de fête, je voudrais partager avec vous quelques réflexions sur la sainteté et comment les béatitudes peuvent être pour nous le chemin de sainteté.
La sainteté
Apparemment ce terme « saint » n’est pas le propre de notre foi chrétienne. Dans le Bouddhisme par exemple, on reconnaît comme saints ceux qui ont atteint le Nirvana, l’état bienheureux ou la délivrance de la souffrance, mais ce cheminement se fait par les propres efforts de chacun.
La Bible présente la sainteté comme une réalité plus riche. La sainteté est définie à sa source même, en Dieu de qui vient toute sainteté. La sainteté touche au mystère de Dieu, c’est-à-dire à ce que Dieu est en soi, et à sa communication aux hommes. Dieu est saint, dit l’Ecriture. La sainteté de Dieu veut dire tout ce qu’Il possède : vie, bonté, amour. C’est en communiquant ce qu’il a de richesse que Dieu se montre saint. Et nous, en tant que créature sortie des mains du Dieu Créateur, nous sommes faits par Lui, nous sommes à Lui (Ps 99). Être saint, c’est appartenir à Celui de qui nous avons tiré notre origine et notre existence, c’est devenir semblable à ce dont nous sommes l’image (Gn 1, 27) : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu, il les créa homme et femme ».
Les Béatitudes comme chemin de la sainteté
Aujourd’hui Jésus nous montre le chemin vers la sainteté, ce chemin est offert à tous ; il est pour les chrétiens, mais aussi c’est un appel que Jésus adresse à tous les hommes de bonne volonté. Gandhi, père fondateur de l’Inde a dit un jour en lisant ce passage de Mt : « Je vis que le Sermon sur la montagne était tout le christianisme pour qui veut vivre la vie chrétienne. C’est le sermon qui m’a fait aimer Jésus ». A neuf reprises, le terme « heureux » revient dans ce passage de saint Mt. Dans le texte grec, ce terme est dit « makarios », ce qui voudrait dire heureux, bienheureux ou bénis dans un certain sens. « Heureux » devient le synonyme de « saint », car ce terme exprime le fait que le saint est la personne qui est bénie et comblée par Dieu et qui vit cela comme un don qu’il partage avec les autres.
Ecoutons encore une fois l’enseignement de Jésus et imaginons que nous étions là avec la foule : Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume de cieux à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés (Mt 5, 3.4.6).
Les pauvres en esprit ou de cœur sont heureux car ils sont plus disposés à s’ouvrir à Dieu, à l’accueillir. Être pauvre n’est pas seulement une catégorie sociale, mais c’est surtout une attitude spirituelle. De par notre expérience, nous nous sentons pauvres lorsque la santé nous abandonne, lorsque les épreuves nous envahissent de toute part, lorsque la menace de mort nous guette, alors nous savons que nous ne sommes pas maîtres de tout et nous cherchons quelqu’un en qui nous pouvons mettre toute notre confiance. Pour les saints, c’est en Dieu. Être pauvre de cœur est peut-être le premier pas vers la sainteté.
Nous nous sentons pauvres, lorsque nous sommes dépassés par les événements tristes, par l’injustice, nous avons envie de pleurer. Heureux ceux qui pleurent, nous dit Jésus, car ils seront consolés. Le réconfort vient de Dieu, certes, mais passe aussi par notre prochain. Je suis marqué par une photo ces derniers jours, après ce qui est arrivé à Nice, sur laquelle une personne essaie de consoler une autre, assise, sanglotante. Nous nous sentons pauvres quand nous avons faim et soif de la justice, nous voulons plus de justice, plus d’ordre dans le monde, nous serons rassasiés par Dieu. Dieu nous invite à travailler pour qu’il y ait plus de justice dans le monde. Rechercher cette justice par l’amour de Dieu et de son prochain, c’est cela la sainteté.
« Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 5.7.9.10)
Les doux ne relèvent pas forcément du tempérament naturel de chaque personne. Chacun est différent. Jésus nous invite plutôt à se comporter, à réagir avec douceur et notamment avec bonté.
Être saint, c’est se laisser toucher par la misère, la souffrance de l’autre, c’est être miséricordieux. « J’ai peine de votre peine », nous dit saint Vincent de Paul. Il en est de même pour Jésus, il souffre avec ceux qui souffrent et il veut les aider. Être saint, c’est devenir artisans, des bâtisseurs de la paix A ceux-là, Jésus fait cette magnifique promesse : ils seront appelés fils de Dieu.
Être saint, c’est avoir un cœur pur (Mt 5, 8). Un cœur pur, pour Jésus, c’est un cœur qui n’est pas souillé par la méchanceté et la violence, par l’orgueil et la suffisance, par tout ce qui détruit l’humanité originelle que Dieu a voulu à la création ; enfin, un cœur pur, c’est un cœur qui se donne à l’amour (Lc 11, 44, Jc 1, 27, 1 Jn 3, 3). Lorsque le cœur aime Dieu et son prochain avec toute sincérité, le cœur est pur et verra Dieu (Mt 22, 36-40).
La dernière béatitude s’adresse aux disciples de Jésus. Croire en Jésus Christ et le suivre de plus près ne sera jamais facile. Les disciples du Christ sont souvent critiqués, moqués, insultés, voire tués. Hélas, c’est arrivé et se poursuit encore. Mais, réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, nous-dit Jésus, car votre récompense sera grande dans les cieux. Quelle récompense ? La réponse ne se trouve qu’en Jésus lui-même. Par sa mort et sa résurrection, Lui seul peut nous redonner la vie, et non seulement la vie, mais la Vraie Vie. La vie de Dieu. La vie avec Dieu.
Frères et Sœurs,
Les béatitudes sont la porte qui nous ouvre à Dieu et au bonheur, comme un chemin d’ascension vers Dieu qui est notre Béatitude par excellence. Ce message du Christ doit nous nourrir et nous aide à avancer sur le chemin de sainteté. Sans doute, ne pourrons pas toutes mettre en pratique ; sans doute, les gens nous diront que nous sommes béats et naïfs, que nous nous donnons l’illusion d’un monde de bisounours dans ce monde d’ici-bas. Laissons penser et dire ainsi. Les saints ont choisi le chemin des béatitudes du Christ, ce chemin est le seul qui puisse aider l’humain à devenir meilleur, et en un mot à parvenir à la sainteté. Demandons la force de Dieu, Esprit-Saint, pour qu’elle nous soutienne dans notre marche, avec tous les saints.