3ème dimanche de l’Avent B – 13 décembre 2020
Is 61, 1-2a.10-11 – Lc 1, 46b-48, 49-50, 53-54 – 1 Th 5, 16-24 – Jn 1, 6-8.19-28
Homélie du P. Franck Gacogne
Je me souviens il y a longtemps d’une année où je faisais du soutien scolaire avec des jeunes en 4ème. Un jour, ils apprenaient une leçon de physique sur les sources de lumières. D’après ce que j’ai compris, on leur parlait dans ce cours des lumières primaires, c’est-à-dire des sources de lumière comme le soleil, une lampe, une flamme ; et des sources de lumières secondaires, c’est-à-dire tous les objets qui profitent de cette source de lumière primaire, qui sont éclairés par elle, et qui la renvoie. Eh bien je pense que ce cours de physique correspond parfaitement à notre évangile.
Parfois, nous entendons avec médisance : « alors lui, ça n’est pas une lumière ! ». Réjouissons-nous, car selon Jean-Baptiste, nous devrions pouvoir le dire de tout le monde – à commencer par celui qui lance cette offense – car le Christ est la seule et unique Lumière désignée par le prophète. Par trois fois Jésus se présentera ainsi comme au chapitre 9 à l’aveugle-né « Je suis la lumière du monde » (Jn 9, 5). En effet, Jean Baptiste n’est là que pour lui rendre témoignage : il est cette source de lumière secondaire parce qu’il reçoit le Christ, il profite de la Lumière pour ensuite la diffuser, la renvoyer, la réfléchir pour tous ceux qui viennent le voir. Jean Baptiste est un révélateur de la lumière du Christ.
Ce passage du prologue de Jean doit nous enseigner sur ce qu’est le véritable témoignage, car le mot « témoin » ou « témoignage » revient quatre fois en trois versets. Parfois dans des groupes d’aumônerie, nous invitons des « témoins » pour qu’ils nous partagent une expérience de vie. Il est peut-être arrivé que nous soyons nous-mêmes invités comme « témoin ». Mais de qui attendons-nous qu’ils nous parlent ces témoins, d’eux-mêmes, ou d’un autre ? Si Jean-Baptiste, lui, est le témoin par excellence, un vrai prophète, c’est parce qu’il n’est jamais témoin de lui-même, Jean-Baptiste ne parle pas de lui, il ne travaille pas pour son propre compte, il est témoin d’un Autre devant lequel il s’efface. Jean-Baptiste montre, il désigne Jésus comme Celui qui vient après lui et qu’il faut suivre. Pourtant, Jean-Baptiste commence à avoir une très grande popularité, des grands chefs religieux viennent le voir. Il pourrait facilement en jouer, prendre la grosse tête ou s’enfler d’orgueil. Mais quand on lui demande qui il est, il répond en disant ce qu’il n’est pas, en affirmant qu’il n’est pas le Messie attendue.
Vous le savez mieux que moi, quand dans un groupe d’enfant on cherche le coupable d’une bêtise ou d’un dégât à la maison on entend souvent : « c’est pas moi, c’est lui ! » comme pour se défiler et éviter des remontrances. Mais Jean Baptiste lui ose cette expression « ce n’est pas moi, c’est lui » alors qu’on cherche au contraire à l’honorer, à lui donner le titre de Messie. Avec humilité et détachement, Jean Baptiste se retire.
A la suite de Jean Baptiste, les baptisés sont appelés à être témoin, à rendre témoignage. C’est un rôle difficile et délicat à tenir, parce qu’il ne consiste pas à se mettre en avant comme les détenteurs d’une vérité. Le témoin, c’est celui qui saura d’abord adopter la posture de celui qui est « aîné dans la foi » mais qui saura ensuite s’effacer au moment opportun pour laisser le Christ se révéler au chercheur de Dieu. Comment ne pas penser à la pédagogie de la Samaritaine, qui après s’être abreuvé au Christ va transmettre sa foi aux habitants de son village qui lui déclareront ensuite « Ce n’est pas à cause de tes dires que nous croyons mais parce que nous l’avons rencontré, nous le Messie ». Comme Jean Baptiste, elle a donc su s’effacer pour le Christ, elle a préparé la venue du Seigneur pour son village.
Pour reprendre l’image de la lumière, rendre témoignage, c’est donc être celui qui reflète, qui renvoie, qui diffuse cette lumière. Ce n’est pas une tâche facile, bien souvent nous nous trouvons comme Jean Baptiste dans un désert. Bien des personnes avec qui nous vivons, avec qui nous travaillons sont complètement indifférentes à cette lumière. Il y a tant de lumières qui scintillent un peu partout au moment de Noël, toutes plus attirantes les unes que les autres, que LA lumière dont nous parle l’Evangile de Jean, Jésus lui-même, passe bien souvent inaperçue. Certains diront que le message de Noël semble perdre de son sens religieux au profit d’un sens plus commercial. Nous ne pouvons pas reprocher aux commerçants de faire du commerce, ils font leur boulot ! En revanche, faisons le nôtre : il serait désolant que ceux qui connaissent le sens de Noël n’en soient pas témoin.
Enfin, il faut bien remarquer que tous les grands témoins du Christ ont eu envers leurs contemporains une parole ou des attitudes qui disent l’amour de Dieu bien sûr, mais jamais d’une façon mièvre ou douceâtre. Bien au contraire, ils ont eu des paroles de feu, des gestes engagés, sortant du conformisme ou du convenu. Ce n’est pas pour rien si le mot traduit en français dans l’évangile par « témoin » est en fait en le mot « marturia », « martureo » qui vient du grec « martus » et qui a bien sûr donné « martyr ». Pour Jean-Baptiste comme pour bien des chrétiens qui l’on suivi, le martyr, à condition qu’il ne soit jamais recherché pour lui-même, a été la conséquence suprême du témoignage rendu au Christ. « Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1, 8). Voilà ! Le Christ choisit de s’en remettre au témoignage des hommes. Quelle confiance, et quelle responsabilité ! Prenons conscience que nous sommes devenu croyant par le témoignage d’un autre qui nous a désigné et fait découvrir le visage du Christ. Et moi, pour qui suis-je témoin du Christ ? Amen.