2e dimanche du temps ordinaire B – 17 janvier 2021
1 S 3, 3b-10.19 – Ps 39 (40) – 1 Co 6, 13c-15a. 17-20 – Jn 1, 35-42
Homélie du P. Franck Gacogne
Dans une famille avec des jeunes enfants cela arrive je pense assez souvent que l’un ou l’autre viennent vous voir au milieu de la nuit un peu craintif, vous disant qu’il a entendu un bruit, entendu quelqu’un. Parfois même plusieurs fois dans la même nuit. Vous le rassurez et il retourne se coucher. Peu d’entre vous n’est-ce pas, doivent se dire qu’il s’agit peut-être de Dieu qui s’adresse à lui ! Retenons donc comme première idée qui se dégage de ce dialogue entre Eli et Samuel, celle d’un Dieu qui se fait appelant et même insistant à appeler. Si Dieu appelle Samuel directement, vous l’avez remarqué, cet appel nécessite d’être reconnu, mais aussi déchiffré puis finalement confirmé par la parole d’un accompagnant.
Samuel est disposé à entendre. Il écoute, et comme Marie que Dieu vient visiter, il exprime sa disponibilité et sa confiance : « Me voici ! ». Au bout du troisième appel, Eli reconnaît dans Samuel même très jeune la capacité d’être appelé. Il ne lui retire pas ce privilège. Il ne se l’approprie pas, il le fait entrer en maturité, capable de se tenir en face de Dieu. Eli ne joue plus les intermédiaires, il interprète, il ose associer le témoignage de cet enfant à une présence forte de Dieu qui veut se manifester à lui. Eli laisse Samuel entrer en relation. Il est au service de la rencontre.
Tel est le chemin nécessaire de toute vocation, en particulier d’une vocation en Eglise où le ressenti de l’appelé doit toujours trouver soutien et confirmation dans la sagesse et le discernement d’une tierce personne. Cela demande une vraie pédagogie de l’accompagnateur tantôt de la présence, tantôt de l’effacement. J’aime le pape François dans « la joie de l’Evangile » nous en parler en ces termes : « L’Église devra initier ses membres – prêtres, personnes consacrées et laïcs – à cet “art de l’accompagnement”, pour que tous apprennent toujours à ôter leurs sandales devant la terre sacrée de l’autre » (EG 169). Oter ses sandales devant la terre sacrée de l’autre, c’est ce que finira par faire Eli.
Dans ce passage de l’évangile de Jean, le Baptiste a été le médiateur de la rencontre entre ses deux disciples, et Jésus. Les deux disciples de ce récit sont ceux de Jean-Baptiste, et au lieu de se les approprier comme ses poulains, ils les orientent vers Jésus qu’il désigne comme l’Agneau de Dieu, le Messie. Jean-Baptiste désire cette dépossession pour que ses disciples connaissent le vrai Dieu, de la même façon qu’Eli accepte qu’un autre que lui puisse être touché par l’appel de Dieu. Non seulement il l’accepte, mais il l’accompagne. Cela peut rejoindre notre propre histoire de foi. Quels ont été les intermédiaires, les personnes qui m’ont aidés et guidés dans la découverte de la foi ou d’une vocation particulière ? Sommes-nous aujourd’hui à notre tour des « médiateurs » et des « accompagnateurs » pour relayer l’appel du Seigneur ? Un peu plus tard dans l’évangile vous l’avez entendu, c’est André qui amène Simon-Pierre à Jésus. Car Dieu appelle par des relais humains. Dieu veut toujours avoir besoin des hommes pour transmettre sa Parole.
La toute première parole que Jésus prononce dans l’évangile de Jean ne consiste pas pour lui à décliner son identité comme s’il voulait s’imposer. Non, c’est tout le contraire, il pose une question au plus intime de ceux qui le suivent : « Que cherchez-vous ? » Le Seigneur s’intéresse à nos désirs les plus profonds et espère que nous puissions les lui exprimer.
Cette question, je crois que Jésus nous la pose à nous aussi : « Que cherches-tu ? » Qu’est ce qui nous fait vivre, qu’est ce qui suscite ou motive nos initiatives, quelle source nous met en mouvement ? Pourquoi sommes-nous croyants ? C’est LA question source à ne pas esquiver pour que notre vie ait un sens, nos réponses ne peuvent rester superficielles. Celui qui devient disciple de Jésus cherche quelque chose, mais trouve quelqu’un. Il découvre que demeurer avec le Christ conduit à demeurer en lui. C’est Dieu qui engage le processus de la rencontre par un appel dans le livre de Samuel, par une question « Que cherchez-vous ? » dans l’évangile. Son amour nous devance. Sachons être de ceux qui ont envi de chercher Dieu et de suivre Jésus ! Sachons mettre en relation, relier les personnes les unes aux autres et ensuite se retirer humblement comme Jean-Baptiste. Ce que nous devons proposer, c’est toujours une rencontre en liberté : « Venez, et vous verrez. » Jésus ne force jamais, l’Eglise ne force jamais (ou ne devrait jamais le faire). Elle invite à une découverte personnelle. La foi n’est pas un embrigadement. Croire en Jésus-Christ n’est pas un carcan, mais une joie qui dilate. Soyons des croyants heureux et libérés. Amen.