Jeudi Saint B – 1er avril 2021
Ex 12, 1-8.11-14 – Ps 115 (116) – 1 Co 11, 23-26 – Jn 13, 1-15
Homélie du P. Franck Gacogne
Que font les mains de Jésus dans le récit de la lettre de Paul aux Corinthiens ? Elles rendent grâce en se tendant vers Dieu, elles prennent le pain, elles le partagent, et le donnent en disant : « Ceci est mon corps qui est pour vous ». Et que font les mains de Jésus dans l’évangile de Jean ? Elles retirent son vêtement, prennent un linge et se mettent à laver les pieds des disciples. Ce sont les mêmes mains, et c’est au cours du même repas.
Et vous qui tout à l’heure allez communier, que vont faire vos mains ? Elles vont se joindre pour recevoir précieusement et avec précaution cette nourriture pour votre vie parce qu’elle vous fait grandir dans la foi : le Corps du Christ. Mais l’eucharistie, le repas où le Seigneur nous rassemble ne s’achèvera pas tout à l’heure pas la communion. Non, nos mains sont encore attendues dans les jours et les semaines qui suivent, elles sont espérées ensuite aux pieds des plus petits, le sacrement du frère. Eucharistie et service sont absolument indissociable, l’un conduit à l’autre et réciproquement.
Notre communion à l’Eucharistie ne sera jamais complète ni même accomplie si nous ne cherchons pas à devenir à nouveau par nos mains ce qu’elles ont reçus : le Corps du Christ. Notre dignité à recevoir le Corps du Christ n’est acquise d’emblée par aucun d’entre-nous, c’est bien d’ailleurs ce que nous disons tous avant d’aller communier : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir… », et pourtant, Jésus décide de passe outre, il nous appelle et il nous invite à le recevoir : « prenez et mangez-en tous ». En revanche, c’est dans l’après, c’est à postériori que doit se vérifier notre dignité à avoir reçu l’eucharistie. Voici ce que le pape François écrit dans son exhortation sur la famille : « lorsque ceux qui communient refusent de s’engager pour les pauvres et les souffrants ou approuvent différentes formes de division, de mépris et d’injustice, l’Eucharistie est reçue de façon indigne » (AL 186).
Regardons l’attitude de Jésus, ses mains accomplissent ce geste du lavement des pieds en silence. Ce n’est qu’en raison de l’interpellation rebelle de Pierre qu’il doit s’expliquer sur ce geste inédit. Parce que dans la mentalité de Pierre, et sans doute aussi celle des autres apôtres dont il est le porte-parole, il est inconcevable et même scandaleux de voir leur maître s’abaisser au rang de l’esclave, du serviteur. Jésus ne lui fait pas une réponse populiste du genre : « on est tous des serviteurs ! », non, au contraire, il accepte et revendique le titre de Maitre et de Seigneur qui lui est donné, ce qui lui permet d’amorcer une révolution une conversion des mentalités de ceux qui le suivent : « Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
L’évangéliste nous dit que Jésus sait que le Père a tout remis entre ses mains. Eh bien voilà ce qu’il décide d’en faire pour le révéler : elles sont au service, elles prennent soin. Par ses mains, Jésus nous révèle qui est Dieu. Ayant aimé les siens, il les aima jusqu’au bout. L’amour reçu dans cette communion m’engage à le rendre tout autour de moi, jusqu’au bout. Dans le temps de silence qui suivra la communion, donne-moi Seigneur, de discerner et de choisir comment je vais pouvoir par mes mains rendre tout l’amour que tu y déposes. Amen.