5e dimanche de Pâques B – 2 mai 2021
Ac 9, 26-31 – Ps 21 (22) – 1 Jn 3, 18-24 – Jn 15, 1-8
Homélie du P. Franck Gacogne
Voilà une image très riche que nous propose l’évangile aujourd’hui. Essayons d’en faire le tour. Jésus prend la figure d’une vigne, vous me direz qu’on aurait pu tout autant faire la même comparaison avec un arbre fruitier. Eh bien pas tout-à-fait, parce que le choix de la vigne a un sens biblique très fort. Au temps de Jésus dans le moyen Orient, la vigne donne un fruit précieux, et dans l’Ancien Testament, l’image de la vigne avait souvent été appliqué au peuple Israël, pour indiquer l’amour et l’élection dont il est l’objet : la vigne, c’est le peuple d’Israël planté et soigné par Dieu.
Mais il y a dans cet évangile quelque chose de très nouveau car chez St Jean, l’image se développe : la véritable vigne c’est maintenant Jésus ; et les disciples qui se rattachent vitalement à lui par la foi doivent produire des fruits. La vigne, le cep, le pied, c’est Jésus fortement enraciné dans la terre. A ma grande surprise, j’ai appris il y a quelques années que les racines d’un pied de vigne pouvaient atteindre jusqu’à 15 m de longueur ! Le Christ, en s’incarnant, en se faisant homme parmi les hommes s’enracine profondément dans le terreau qui compose, qui construit notre quotidien. Le Christ, c’est ce pied de vigne qui s’attache à la terre comme à la vie des hommes parce qu’il l’aime et s’en imprègne.
De ce tronc naissent des branches, des sarments. L’évangile nous dit que nous sommes ces sarments attachés au tronc comme les disciples de Jésus sont attachés à lui. Les sarments attachés au cep participent de sa vie. Ils en sont le prolongement. Cet attachement permet leur croissance, leur développement. Vous savez, on utilise souvent l’expression : « Je tiens à lui, je tiens à elle », ça veut dire que j’y suis attaché, d’une certaine manière on se tient mutuellement, on se soutient. Etre attaché à quelqu’un, c’est d’abord l’aimer. C’est aussi profiter de tout ce que cette personne est et m’apporte. Comme les sarments sont attachés au pied de vigne et profite de sa vie, les chrétiens sont attachés à Jésus Christ, ils reçoivent de sa vie. Dans cet évangile, Jésus invite ses disciples à demeurer en lui à rester greffés sur lui afin d’en vivre. Et tous les parents qui attendent une greffe pour leur enfant savent à quel point être greffé est vitale, la vie qui en dépend.
Et puis enfin, au bout des branches, au bout des sarments naissent les grappes de raisins. Ce qui fait le bonheur du Père, ce qui fait le bonheur du vigneron, c’est que sa vigne produise beaucoup de fruits. Le pied de vigne, le Christ en est le moyen, mais ce n’est que de nous même que ces fruits sont attendus. L’image est pleine de sens : nous porterons des fruits si nous choisissons d’être porté par le Christ. Ce fruit est donc fruit d’une alliance. Ce fruit, c’est l’amour lui-même. Chaque fois que nous sommes capables de créer des liens, d’être artisan de paix, facilitateur de communion, de servir d’une façon désintéressée. Bref, chaque fois que nous sommes capables d’aimer, alors la vigne porte du fruit. Mais le fruit n’apparaît pas tout seul un beau jour par magie. Tous les vignerons le savent bien, il faut beaucoup de patience et de soin, mais surtout il faut que cette vigne reçoive la chaleur et l’eau nécessaire à sa vie.
A la suite de Jésus, tous ceux qui ont voulu être ses disciples ont été plongés dans cette eau le jour de leur baptême. Cette eau transformée en sève va circuler dans toute la vigne, du cep jusqu’aux fruits. Cette sève invisible vient irriguer tout l’organisme, et faire gonfler son fruit. Cette sève divine réalise la communion, le lien entre Dieu et les hommes, une circulation d’amour et une fécondation. J’aime penser que cette sève, c’est son Esprit qui lentement et tout intérieurement travaille en chacun pour que nous soyons animés, gorgé de la vie de Dieu. Ces fruits spirituels subissent bien des intempéries, vivre de sa foi, c’est bien souvent être confronté à l’indifférence, à la moquerie, aux doutes, mais tant que nous sommes attachés au Christ et que nous demeurons en lui, la sève de Dieu peut nous fait grandir et nous affermir.
Il ne faut pas le cacher, l’évangile insiste aussi sur la vigne qui a besoin d’être taillée. Dans cette image, je ne crois qu’il faille comprendre que Dieu voudrait séparer les bons des mauvais ou faire un tri, il s’agit bien plutôt, pour tous, d’accepter d’être taillé dans le but de donner encore davantage de fruits. Se mettre résolument à la suite du Christ, suppose de faire des choix dans sa vie. Et choisir une route, c’est renoncer aux autres. Il y a des choix qui nous coûtent dans notre vie, qui tranchent comme est taillée une vigne parce qu’ils nous engagent dans une voie au détriment d’une autre. Faire un choix de vie, choisir de donner du temps, de s’engager dans telle association, de consacrer chaque semaine un moment pour lire et méditer la Parole de Dieu, c’est renoncer à d’autres possibles. Faire un tel choix en conscience et guidé par la foi, c’est tailler dans la foule des propositions qui nous sont faites, mais c’est aussi et surtout laisser Dieu concentrer sa sève dans la voie que nous avons choisie pour bénéficier pleinement de sa grâce, et porter encore davantage de fruits.
Que ta sève Seigneur, que ton Esprit Saint vienne fructifier et féconder toute notre vie. Amen.