24e dimanche du temps ordinaire B – 12 septembre 2021
Is 50, 5-9a – Ps 114 (116A) – Jc 2, 14-18 – Mc 8, 27-35
Homélie du P. Franck Gacogne
Il y aurait tant à dire sur toutes ces lectures tant elles peuvent nous interpeler, mais je ne vais m’attarder que sur la dernière remarque que Jésus adresse à la foule et aux disciples dans l’évangile : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive ». C’est un passage difficile, parce que si nous avons tous le désir de suivre Jésus, en revanche, les dispositions à prendre pour marcher derrière lui semblent rudes, décalées et peut-être même injustifiées. Expliquons-nous !
La première partie de, la remarque de Jésus d’abord : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même » Renoncer à soi-même qu’est-ce que cela signifie ? Ce n’est pas du tout un appel à devenir masochiste où à se complaire dans la souffrance. Ce n’est pas non plus un appel à renoncer à notre bonheur. Renoncer à soi-même, ce n’est pas renoncer de vivre, de s’enthousiasmer, ou d’apprécier le beau et le bon de la vie. Ceux qui décident de se marier, ceux qui sont ordonnés diacre ces jours-ci en vue d’être prêtre, d’une certaine façon, ils renoncent à quelque chose d’eux-mêmes, à beaucoup d’autres possibles, pourtant je vous assure qu’ils choisissent un chemin de bonheur profond et durable. Renoncer à soi-même, ce n’est pas abdiquer et se laisser aller au gré des courants et des tempêtes telle une feuille morte qui ne peut que subir les intempéries de la vie. Ce n’est pas non plus se résigner devant une vie quotidienne parfois difficile à assumer, et qui nous ferait verser assez facilement vers la mélancolie, les anti-dépresseur ou l’alcool. Alors que veut dire Jésus quand il demande de renoncer à soi-même ?
Je crois que renoncer à soi-même c’est dégager du temps, en vue d’un engagement pour l’autre. Comme le dit vigoureusement la lettre de Jacques, ce n’est pas seulement dire « j’ai la foi », ou bien « je viens la célébrer », même si c’est absolument nécessaire ; c’est surtout signifier, accomplir cette foi en Dieu par sa mise en œuvre dans nos vies. Si la foi en Dieu me centre sur moi-même ou sur une relation exclusive : moi et mon Dieu ; ou bien si elle n’est que cogitations intellectuelles, alors nous dit Saint-Jacques, cette foi est morte. Il y a renoncement à soi parce qu’il n’y a que de cette manière-là que la foi s’accomplit, se révèle et se reconnaît.
Regardons la suite de la phrase maintenant : « celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Encore une expression piégée : « prendre sa croix ! ». Parfois on s’imagine que Dieu nous donne une croix à porter, peut-être même qu’il nous arrive de penser que Dieu nous fait volontairement vivre des souffrances ou des épreuves. On se trompe complètement en pensant cela ! Car si telle était l’attitude de Dieu, je vous assure que je ne serais ni prêtre, ni croyant. Des croix, il se trouve que nous en avons tous dans nos vies, et que ce n’est certainement pas Jésus qui nous les a infligées : elles s’appellent maladies, séparation ou divorce, chômage, précarité, et dans d’autres lieux, guerres, persécutions… Eh bien Jésus nous dit de prendre cette croix, c’est à dire autant que faire ce peut, de ne pas se laisser anéantir par cette situation, mais de la prendre en main, d’être combatif et acteur de sa vie. Et alors, avec cette croix assumée, Jésus nous dit : « suis-moi ».
Est-ce que vous confieriez d’immenses responsabilités à quelqu’un qui vous trahi, qui vous renie, qui change d’humeur à tout bout de champ, qui a un caractère de cochon, de fonceur, intempestif et incontrôlable. Non, bien sûr ! Pourtant, Jésus le fait. Ce caractère impulsif, intrépide et fougueux, c’est celui de Pierre, c’est sa croix. Il l’a prise, et avec elle, il a pourtant si admirablement suivi le Christ. Nous ne sommes pas parfaits et nous n’avons pas à attendre de l’être pour nous mettre à la suite de Jésus précisément parce que c’est lui qui va parfaire notre vie. Cette croix, c’est aussi le poids de notre péché, de nos infidélités pourtant c’est avec elle que Jésus nous invite à le suivre.
Pour suivre le Christ, acceptons de prendre le chemin escarpé du détour vers l’autre où Dieu se cache et où il nous espère. Amen.