4ème dimanche de l’Avent C – 19 décembre 2021
Mi 5, 1-4a – Ps 79 (80) – He 10, 5-10 – Lc 1, 39-45
Homélie du P. Franck Gacogne
Marie n’est pas celle qu’on nous représente : une statue de plâtre au teint cireux, elle n’est pas la représentation figée images pieuses de nos missels. Elle n’a rien du santon inerte, lisse et attendrissant que j’ai déposé avec précaution dans la crèche ! Non, Marie est vive, Marie est une battante. Elle a dû traverser bien des tourments, des questions lancinantes conséquences de son « oui ». Si aujourd’hui décider de se marier après avoir eu des enfants n’est pas rare et suscite rarement de reproches, dans le passé et jusqu’il n’y a pas si longtemps, on éloignait souvent la jeune fille enceinte du regard du voisinage, du « quand dira-t-on ». Il est fort probable que Marie a dû vivre cette situation quand nous apprenons, en lisant les Évangiles de Matthieu et de Luc, qu’elle attendait un enfant avant d’avoir vécu avec son époux, Joseph. Il est certain que Marie s’est trouvée dans la situation difficile de bien des jeunes femmes devant supporter les rumeurs malveillantes, les commérages autour de sa grossesse. Mais Marie fait face, elle va de l’avant. L’évangile nous dit que c’est avec élan et empressement qu’elle se met en route pour aller retrouver sa parente.
Nous savourons dans cette visite l’enthousiasme et l’enjeu de cette rencontre avec Elisabeth, elles ont tant à partager ensemble du don de Dieu en chacune d’elle. « Marie entra dans la maison et salua Élisabeth. » Élisabeth, cette grande dame, épouse d’un prêtre qui occupe une situation importante à Jérusalem, elle ne considère pas sa jeune parente comme une adolescente fautive à qui elle fait la charité en l’accueillant chez elle. C’est à cette salutation que tout bascule ! Un échange magnifique se produit, peut-être d’ailleurs tout autant entre Jésus et Jean-Baptiste, qu’entre leurs mères. Car à la salutation de Marie, l’Esprit Saint qui a engendré Jésus en elle est transmis à Elisabeth qui s’en trouve remplis, et à Jean qui en tressaille d’allégresse. En retour, Elisabeth va exprimer toute sa gratitude et son bonheur. Elle rend grâce pour Marie et donne à la jeune fille le titre inouï de « Mère du Seigneur », lui révélant ainsi à la fois sa mission et sa dignité. Elisabeth exclame la foi de Marie, toutes les deux sont les témoins et les bénéficiaires privilégiées du Messie qui vient. Elles vivent toutes les deux comme un avant-goût de la Pentecôte et ne peuvent ensemble que faire éclater leur joie, leur étonnement et leur bonheur profond.
Par ces mots d’Elisabeth « je te salue Marie, Tu es bénie entre toutes les femmes », nous prenons conscience qu’Elisabeth nous donne la grâce de recevoir Marie comme celle qui vient nous visiter. Voilà pourquoi tant d’hommes et de femmes ont peut-être plus de facilité de parler à Marie plutôt qu’à Dieu. Elle est l’une de nous qui s’approche et vient nous visiter : « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? »
On entend parfois dire de Marie qu’elle est le modèle de notre foi. C’est peut-être vrai, mais à condition de prendre conscience comme dans cet évangile qu’il s’agit d’une foi ardue, d’une confiance éprouvée, d’une foi qui demande et qui permets du courage et de la force pour traverser les épreuves de la vie et pour, en toutes circonstances, prendre la voie de l’amour, celui d’un « oui » à toute épreuve qui réponde à l’amour de Dieu.
Il est bon à quelques jours de Noël, avant de nous émerveiller avec les bergers et les mages, de contempler le chemin raboteux de Marie et de partager aussi sa joie d’être accueillie et d’être confirmée dans sa mission par les paroles qui lui furent dites. Oui, croire est la source d’une joie que le monde ne saurait nous ravir. Amen.