L’Epiphanie du Seigneur C – 2 janvier 2022
Is 60, 1-6 – Ps 71 (72) – Ep 3, 2-3a.5-6 – Mt 2, 1-12
Homélie du P. Franck Gacogne
Dans une année liturgique, il y a je crois deux moments privilégiés qui nous sont offerts pour ressentir de tout notre être de croyant l’universalité de l’Eglise. Nous allons bientôt entrer dans la semaine de prière pour l’unité : prenons conscience que l’Eglise ne sera vraiment « unie » et sera « du Christ » que universelle, c’est-à-dire avec les autres Eglises chrétiennes. Ces deux moments qui manifestent que Jésus est don de Dieu pour toute l’humanité, c’est d’abord celui que nous fêtons aujourd’hui : Les mages, ceux qui symbolisent la diversité et l’éloignement de toutes les nations et croyances, convergent vers l’enfant Jésus à la crèche. Le second moment, c’est bien sûr à la Pentecôte : c’est d’ailleurs le mouvement inverse au lieu de converger en un lieu, les disciples sont envoyés, et se dispersent dans toutes les nations pour y être les témoins du Christ. Mais que ce soit pour converger comme première étape, ou pour se disperser comme seconde étape, il y a toujours comme un point de rassemblement, un nœud où tout prend sens : Jésus-Christ. Il ne vous a pas échappé que ce double mouvement est celui de l’eucharistie : Se rassembler, se ressourcer ensemble dans un même lieu pour ensuite être envoyé comme témoin chacun là où il habite.
La fête de l’épiphanie vient donner à Noël sa dimension universelle, car le projet de salut de Dieu est sans frontières « toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus » nous dit la lettre de St Paul aux Ephésiens. Heureusement pour nous car c’était la question clé, la plus importante des premières communautés chrétiennes, à savoir s’il fallait imposer ou non à ceux qui n’étaient pas juif à l’origine, de devoir le devenir (par la pratique de la Torah entre autre) pour pouvoir entrer dans la communauté se réclamant de Jésus-Christ ressuscité. Eh bien avec Paul et ses disciples, cette question a été débattue et tranchée : « toutes les nations sont associées au même héritage », et nous sommes aujourd’hui depuis tant de générations, les acteurs et les bénéficiaires de cette universalité de l’Eglise.
Le récit de l’évangile de Matthieu est spécialement construit pour mettre en évidence cette ouverture : Ce sont les Mages, ceux qui n’attendaient pas de Messie qui, sur un signe, se mettent en route et viennent de très loin. Alors qu’à l’opposé et par contraste, les grands prêtres et les scribes, qui eux savent d’après les Ecritures où est attendu le Messie qu’ils espèrent, et qui sont sur place, juste à côté à Jérusalem ne se déplacent pas alors qu’ils sont pourtant prévenus de sa naissance. On voit, bien l’intention de Matthieu au moment où il rédige cette page : il veut dire aux juifs la pleine légitimité pour tous les païens de pouvoir devenir disciples du Christ. Le message que veut faire passer Matthieu est clair : ce sont les hommes et femmes issues de toute la diversité culturelle linguistique et religieuse du monde qui sont en capacité de comprendre et de reconnaître la nouveauté apportée par Jésus. Et ce message éclatant est toujours d’actualité, à condition que nous puissions en être les relais, c’est-à-dire de ne jamais se satisfaire du petit groupe réuni. Le mot Epiphanie veut dire « Manifestation ». Dieu veut « se manifester » à tous les hommes sans exception et sans frontières. Il le veut, mais il ne le peut sans témoin !
A la crèche, les mages viennent adorer Jésus. En offrant l’or, ils le disent Roi, en offrant l’encens, ils le disent Dieu, en lui offrant la myrrhe (qui servait à embaumer les morts), ils le disent homme et mortel. Ces trois présents peuvent-ils inspirer des vœux pour cette nouvelle année ?
L’or peut évoquer tout ce qui dans notre monde relève des échanges économiques, notre vie matérielle en somme, et c’est important. Ce n’est pas suffisant pour passer une bonne année, mais c’est nécessaire et même indispensable ! Non pas d’accumuler de l’or, mais simplement d’avoir une vie équilibrée, et pour cela espérer pour chacun un emploi. Donne-nous Seigneur d’être de ceux qui soutiennent et aident ceux qui recherche une stabilité économique et foi en l’avenir.
L’encens évoque la prière, non pas la vie matérielle cette fois-ci, mais la vie spirituelle, le silence, l’intériorité. Ces temps là ne viennent pas par hasard, il faut les désirer, les préparer et les prévoir pour qu’ils existent. Donne à chacun de nous Seigneur, donne à notre communauté paroissiale d’être en capacité d’offrir à chacun un espace de prière et de recueillement pour tous ceux qui cherchent un sens à leur vie et qui ont soif de l’Evangile.
La myrrhe enfin servait à embaumer les morts. C’est bien sûr un vœu que nous ne formulons jamais, mais ce présent des mages peut nous inviter à être attentif à celles et ceux qui traverseront la mort cette année, pour qu’ils ne le fassent pas seul, pour que notre espérance soit plus forte que la mort, et pour que notre prière et nos actes fassent reculer les forces de mort, de violence et d’indifférence autour de nous et dans le monde.
Avez-vous retenu la dernière phrase de l’évangile de Matthieu ? « Les mages regagnèrent leur pays par un autre chemin » Que la rencontre du Christ cette année puisse changer notre horizon, car s’il est important d’ajouter une année à notre vie, il est encore plus essentiel d’ajouter de la vie à notre année. Amen.