1er dimanche de Carême C – 6 mars 2022
Dt 26, 4-10 – Ps 90 (91) – Rm 10, 8-13 – Lc 4, 1-13
Homélie du P. Franck Gacogne
Je m’adresse à vous parents. Quand vous dites NON à votre enfant, et je suis sûr que vous le faites. Immédiatement, vous vous exposez aux cris, aux pleurs, aux claquements de porte, peut-être même aux insultes, et vous vous préparez à justifier, à expliquer votre refus. Mais c’est parce que vous êtes convaincu que même si aujourd’hui ce « non » n’est pas compris et qu’il engendre de la frustration, au bout du compte, il construit son bien, il participe de son équilibre et prépare son avenir.
Je m’adresse à vous les enfants, vous avez des amis à l’école qui ont déjà leur téléphone portable et de la 4G, qui peuvent regarder la télé chez eux quand ils veulent, qui n’ont pas leurs parents sur le dos, et vous les enviez ? Mais, ils n’ont rien choisi de tout cela, rien attendu : tout leur a été donné, ils ne connaissent pas le prix et la valeur des choses. Ils mettent les pieds sous la table et tout leur est dû. Pas sûr qu’ils soient bien préparés pour la vie je vous assure !
Ce que je vous raconte là, je crois que c’est l’évangile que nous avons entendu. Jésus lui aussi engage un combat contre ce qui est tentant et facile d’accès. Non pas parce que c’est un ascète et un adepte de la privation volontaire, mais parce qu’il est convaincu qu’en résistant et en disant NON, il va sortir de ce combat à la fois grandit et libre. Contre qui Jésus combat-il ? L’évangile l’appelle le diable. En fait, son vrai nom dans le texte grec, c’est « diabolos » qui veut dire le « diviseur ». Le diviseur c’est-à-dire à la fois celui qui sépare ; et en maths dans une opération, au contraire de multiplier, le diviseur, c’est celui qui réduit. Voilà donc le rôle du démon dans l’évangile envers Jésus : il veut à la fois le séparer de l’Esprit Saint dont il est rempli et qui l’accompagne au désert, pour ensuite réduire Jésus sous sa coupe. Eh bien c’est à cela que Jésus résiste et qu’il dit non.
Reconnaissons que l’ancienne traduction du Notre Père prêtait à confusion, car nous demandions à Dieu, au Père : « ne nous soumets pas à la tentation » ! Mais on le voit bien dans l’évangile ce n’est pas Dieu qui soumet Jésus à la tentation, mais c’est le diable, le diviseur. Il y a heureusement moins de confusion et de contre-sens quand nous disons maintenant : « ne nous laisse pas entrer en tentation », car ainsi, nous demandons à Jésus d’y résister comme lui-même a su le faire.
Pourtant, les trois tentations auxquels Jésus est confrontées sont bien attirantes, bien séduisantes. Elles se présentent sous l’aspect de la facilité, de l’immédiateté, de la satisfaction personnelle.
La première tentation lui propose de tout avoir sous la main, de posséder, de ne manquer de rien ; mais Jésus répond qu’une vie heureuse, ce n’est pas la somme de ce que l’on possède, ce n’est pas de tout avoir parce qu’alors, on n’est plus en attente de rien, et c’est bien triste. Une vie heureuse, c’est celle qui nous fait désirer ce qui ne se possède pas, ce qu’on ne peut pas s’approprier, mais qui pourtant nourri, équilibre et donne du sens : je veux parler de la relation à Dieu, de la foi.
La deuxième tentation à laquelle Jésus résiste, c’est celle du pouvoir, le vertige de dominer, nous en avons une triste illustration depuis 10 jours. Et Jésus répond qu’au lieu de vouloir se situer au-dessus, il veut au contraire se mettre sous le regard de Dieu, car ce n’est que devant lui qu’il se prosterne.
La troisième tentation concerne le paraître, la possibilité de parader et d’en mettre plein la vue. Et Jésus répond que Dieu n’est pas dans l’esbroufe, qu’il ne cherche pas à épater la galerie.
Jésus s’appuie sur la Bible pour répondre aux tentations et les contrecarrer, il utilise des prescriptions qu’il prend dans le livre du Deutéronome. La troisième fois, le diable pense pouvoir le doubler en citant lui aussi l’Ecriture, mais Jésus surenchérit, et par cette dernière citation : « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu », il lui coupe le sifflet, et le diable devra ronger son frein jusqu’au moment, où en effet Jésus sera à nouveau confronté à la grande épreuve au moment de sa passion.
Souvent, des familles qui demandent le baptême pour leur enfant disent qu’ainsi, par le baptême, il sera protégé. Mais protégé de quoi ? L’Esprit de Dieu que Jésus reçoit ne le protège pas de l’épreuve, on le voit bien. D’ailleurs être éprouvé et tenté n’est pas un péché ; Jésus l’a été dans toutes ses formes nous dit l’évangile. En revanche, cet évangile nous apprend que lorsque nous désirons associer le Christ à notre vie, alors il se tient prêt à nous fortifier, il se propose de se tenir à nos côtés pour nous aider à poser des choix qui tout à la fois nous rendront libre et nous feront grandir. Merci à vous catéchumènes : Aurélie, Christina, Isabelle et Léa, parce qu’en cheminant vers le baptême, vous voulez justement intégrer le Christ à votre vie. Votre démarche est pour nous tous un témoignage. Elle vous rendra libre et profondément heureuse.