28e dimanche du temps ordinaire C – 9 octobre 2022
2 R 5, 14-17 – Ps 97 (98) – 2 Tm 2, 8-13 – Lc 17, 11-19
Homélie du P. Franck Gacogne
Quand la loi religieuse exclue, Jésus, lui, choisit d’inclure et d’intégrer. C’est sa façon d’accomplir la loi. Le récit que nous venons d’entendre met en image cette situation. Une loi religieuse qui exclue : cela vous semble complètement contradictoire, n’est-ce pas ? « Comme Jésus entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : … » Les lépreux sont hors du village parce qu’ils en ont été exclus et ils doivent se tenir à distance de Jésus, de sorte qu’ils sont obligés de crier pour se faire entendre. C’est une loi donnée par Dieu à Moïse qui leur dictait cette attitude : « le lépreux portant une tâche sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp » (Lv 13, 46) C’est curieux comme dans l’histoire il est bien souvent arrivé qu’un désir d’exclusion soit qualifié de loi divine pour le ratifier et lui donner plus de force !
On apprend dans la suite du récit qu’il y avait parmi ces dix lépreux un samaritain qui lui aussi était exclu en raison de son origine, parce que pour les juifs, les samaritains pratiquent une forme dissidente et hérétique du judaïsme, ils sont légalement impurs. Pour ce samaritain, c’est donc la double peine, pourtant, dans la même galère parce que tous lépreux, compagnon d’infortune et solidaires entre personnes malades, cette distinction-là semblaient s’effacer dans le groupe des 10 lépreux. Elle réapparait en revanche avec force à l’instant même où tous sont guéris. La solidarité disparaît subitement, les habitudes, les rejets et les distinctions sociales reviennent au galop. Quand l’une des peines est levée par la guérison, l’autre demeure et le samaritain en fait l’amer expérience : être étranger est une maladie qui ne se guéris pas !
Leurs chemins se séparent : alors que les juifs s’empressent d’aller faire reconnaître leur guérison auprès du grand prêtre comme, à nouveau, la loi le leur prescrivait, le samaritain lui ne bénéficie d’aucune loi qui cherche à l’intégrer ou même le comprendre. Alors il décide de retourner sur ses pas pour rendre grâce auprès de celui qui l’a libéré. Pour les 9 autres, Jésus est un guérisseur dont ils ont profité, pour retrouver leur place dans le Temple et y pratiquer leur religion. Mais pour le samaritain, c’est bien différent : Jésus est le Sauveur en qui il a mis sa foi. Il a compris que Dieu ne se trouvait pas d’abord dans un lieu, dans l’application d’une loi, ou dans l’accomplissement d’un rite, mais dans une personne : Jésus-Christ qui lui dit « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé »
Dans les évangiles, nous prenons conscience que toutes les rencontres que fait Jésus manifestent que sa mission est d’accueillir, d’inclure et d’intégrer tous ceux qui viennent à lui ou vers qui il va. Ce sont bien souvent des personnes cabossées par la vie et parfois même par des lois qualifiées de religieuses. En ce mois d’octobre, nous sommes au cœur de ce mois extraordinaire sur la mission voulu par le pape François. Lui-même nous rappelle à temps et à contre temps que la mission de l’Eglise aujourd’hui, c’est-à-dire notre mission de baptisé, c’est de faire comme Jésus. Voici ce qu’il nous écrit dans son exhortation « la joie de l’amour » : « Je crois sincèrement que Jésus Christ veut une Eglise attentive au bien que l’Esprit répand au milieu de la fragilité » (AL 308), mais encore : « Dans les situations difficiles que vivent les personnes qui sont dans le besoin, l’Eglise doit surtout avoir à cœur de les comprendre, de les consoler, de les intégrer, en évitant de leur imposer une série de normes, comme si celles-ci étaient un roc, avec pour effet qu’elles se sentent jugées et abandonnées précisément par cette Mère qui est appelée à les entourer de la miséricorde de Dieu ». (AL 49). C’est je crois l’un des objectifs de la démarche synodale qui se poursuit dans notre diocèse cet après-midi.
Demandons-nous alors quelles sont les situations de fragilités et d’exclusions qui existent aujourd’hui dans notre société et dans l’Eglise, pour savoir où le Seigneur nous attend. Amen.