2ème dimanche de Carême A – 5 mars 2023
Gn 12, 1-4a – Ps 32 (33) – 2 Tm 1, 8b-10 – Mt 17, 1-9
Homélie du P. Franck Gacogne
Quelqu’un sait-il quel nom est habituellement donné à ce passage de l’évangile ? La transfiguration ? Oui, mais c’est une erreur parce que le texte original qui est en grec utilise le mot de « métamorphose » ce qui est un mot plus fort encore pour dire le changement, pour dire combien Jésus est apparu « tout autre » aux disciples témoins de cet événement. C’est comme une anticipation de la résurrection. L’auteur dispose dans son récit tous les indicateurs juifs traditionnels de la présence divine : la montagne, la nuée, la lumière, la voix… C’est une théophanie, c’est-à-dire une manifestation de Dieu dont Pierre, Jacques et Jean sont les témoins. En claire, l’évangéliste cherche à montrer que Jésus est bien l’envoyé de Dieu. Jésus est vu entouré, de Moïse (qui représente la Loi) et d’Elie (qui représente les prophètes) : ces deux colonnes essentielles de la première alliance sont là pour signifier que Jésus est bien celui dont tout l’Ancien Testament préparait la venue, celui que tout le monde attendait. Moïse et Elie s’éclipsent d’ailleurs et lui cède la place d’unique médiateur.
Voici quelques paroles que j’entends souvent sur la paroisse : « Je vais bientôt communier ! » (parole d’un enfant du KT). « Je voudrais m’confirmer ! » (parole d’un lycéen). Ou bien « on voudrait baptiser notre enfant » (des parents). J’aime bien ces expressions, car elles disent bien la volonté et le désir de ceux qui parlent, et cela est très beau. Mais formulées de cette manière, ces paroles risquent de nous faire oublier que je ne me donne pas moi-même un sacrement, mais que c’est plutôt Dieu qui se donne à moi dans un sacrement. Nous n’avons en fin de compte qu’à lui exprimer notre désir de le recevoir, tendre nos mains ouvertes vers lui pour qu’il les remplisse de sa vie. Plutôt que de dire « je vais bientôt communier », on aidera l’enfant du KT à dire : « je vais bientôt recevoir la communion », pour un lycéen : « je souhaite être confirmé », pour des parents : « nous souhaitons que notre enfant soit baptisé ».
Eh bien pour la Transfiguration/métamorphose, on peut se poser le même genre de question : qui est acteur de ce changement de Jésus ? Est-ce Jésus lui-même qui décide, tel un super-héros de se métamorphoser pour en mettre plein la vue, au point que les apôtres en soient aveuglés ? Eh bien non ! C’est le Père qui révèle Jésus comme « son Fils bien-aimé ». C’est je crois l’une des clés de compréhension de cet évangile qui nous rappelle l’épisode où il est baptisé par Jean dans le Jourdain. Le sujet de la transfiguration, ce n’est pas Jésus, mais le Père. Jésus, lui, en est le bénéficiaire. Jésus n’est pas acteur de sa propre transfiguration. Il est transfiguré comme il sera ressuscité. Il est le réceptacle du visage de Dieu et il en prend toutes les couleurs. Cela peut nous interroger : est-ce que chaque fois que nous recevons un sacrement, chaque fois que nous approchons de l’Eucharistie, nous nous laissons transfigurer, par Dieu qui se donne à nous ? En communiant, je viens prendre le Corps le Christ, mais surtout je viens le recevoir et m’entendre dire que j’ai à devenir le Corps du Christ que je reçois, c’est-à-dire que je suis attendu et espéré comme fils et fille bien aimé de Dieu pour être son témoin et participer à la vie de l’Eglise.
Jésus est désigné, mais la voix fait aussi une recommandation aux disciples : « Ecoutez-le ». C’est très important pour eux. Aujourd’hui, c’est très important pour nous. Avoir la foi, être chrétien, c’est faire confiance à sa parole, c’est être touché par son message et son exemple, c’est choisir de le suivre.
Vous vous rappelez ces trois portes d’entrées pour le carême : le jeûne, le partage et la prière. Nous les avons évoquées le mercredi des Cendres. Et pour chacune d’elles une invitation à « ne pas se composer une mine défaite mais au contraire à se parfumer la tête, à se laver le visage ». Non pas pour faire « bonne figure », c’est à dire se forcer ou faire comme si tout allait bien, mais simplement parce que si orienter sa vie vers le Christ est source de joie et de bonheur, alors cela doit se voir. Je crois que le Carême peut être pour chacun d’entre nous le déclencheur d’une vie transfiguré. Si nous ressortons de la messe la tête baissée et l’air abattu, ou bien si nous ressortons exactement comme nous y sommes arrivés, cela laisserait penser que rien de bien transcendant, rien de bien transfigurant ne s’y est passé !
Que cette eucharistie fasse de nous Seigneur, des hommes et des femmes transfigurés de ton amour. Amen