Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

2ème dimanche de Pâques A – 16 avril 2023
Ac 2, 42-47 – Ps 117 (118) – 1 P 1, 3-9 – Jn 20, 19-31
Homélie du P. Franck Gacogne

Je suis sûr que nous nous réjouissons d’entendre cet évangile où Thomas dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! ». Je ne pense pas beaucoup me tromper en affirmant que nous aussi, comme Thomas, nous en demandons beaucoup pour croire. Voilà enfin un apôtre qui nous ressemble, puisqu’il doute que Jésus ait pu être reconnu vivant après sa mort par ses compagnons. Vous savez, le prénom Thomas veut dire « jumeau », mais jumeau de qui ? Voilà un clin d’œil de l’évangile qui nous réjouis parce qu’il nous permet de devenir le jumeau de Thomas et comme lui, affirmer ne pas vouloir croire sans voir.

Je vous propose de regarder de plus près le cours de ce récit. Quand Jésus s’est manifesté la seconde fois alors que Thomas cette fois-ci était là, qui a-t-il vu ? Thomas a-t-il vu Jésus ? A-t-il vu un esprit ? A-t-il vu Dieu ? Il est clair dans le récit que Thomas a vu l’homme Jésus. Il voulait même être encore plus certain que c’était bien l’homme Jésus qui était là puisque le voir le suffisait pas, il voulait encore le toucher, le palper. Thomas n’a donc pas vu Dieu, mais l’homme Jésus… Mais maintenant regardons dans le récit non pas de ce que Thomas a vu, mais de ce qu’il a cru. Eh bien il a cru que cet homme qu’il voyait et qu’il connaissait bien, est Dieu puisqu’il s’exclame en le voyant : « Mon Seigneur et mon Dieu ».

L’expression « je ne crois que ce que je vois » est donc fausse, et elle ne correspond pas à l’expérience de Thomas, car Thomas n’a pas cru ce qu’il a vu. Il y a un abîme entre l’homme que Thomas voit en face de lui, et ce qu’il dit de lui : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Et pour franchir cet abîme Thomas fait un grand saut, c’est le saut de la foi. Thomas a cru bien au-delà de ce qu’il a vu : il voit les mains de Jésus et son côté, et au lieu de dire « c’est toi Jésus mon ami ! » Non, il dit, c’est toi « mon Seigneur et mon Dieu ». Autrement dit, ce que je vois, et ce que je crois sont nécessairement tout autres, dans des registres absolument différents. Je n’ai pas besoin de croire ce que je vois puisque je le vois. Eh bien c’est précisément parce que je n’ai pas à croire ce que je vois, que la foi se situe ailleurs, c’est une démarche personnelle de ma liberté, quand j’ai envie d’aller plus loin que ce qui m’est donné de voir, quand je veux donner un sens divin à ce que je vois, quand je veux associer Dieu à ma vie quotidienne. La foi, c’est un don de Dieu qui est donné gratuitement à tous : Jésus est ressuscité ! Mais il est sur l’autre rive. Voilà pourquoi il ne s’impose pas, le rejoindre, l’accueillir nécessite une démarche personnelle que je peux choisir en toute liberté, en faisant le grand saut, celui de la confiance. Voilà pourquoi Jésus nous déclare heureux d’être invité à croire sans voir, parce qu’il faut sauter, c’est ainsi que l’on avance dans la foi. Vous connaissez peut-être la série des films Indiana Jones, j’ai entendu dire qu’un 5ème volet allait sortir, je ne le raterai pas ! En tout cas, si vous connaissez le 3ème volet Indiana Jones et la dernière croisade, vous vous rappelez peut-être du fameux passage où Indi voit le vide mais il doit croire que ça va passer et faire le saut de la foi pour espérer rejoindre l’autre rive !

Thomas qui croit bien au-delà de ce qu’il a vu est exactement comme le disciple de dimanche dernier qui voit le linceul dans le tombeau vide et qui croit en la résurrection de celui qui était là. Ce que l’on croit n’est jamais ce que l’on voit. Si c’était le cas, la foi ne serait pas requise, mais d’une certaine façon, elle serait obligée et contrainte. Ce ne serait d’ailleurs plus de la foi, mais un savoir. Cette foi dans le Ressuscité ne sera jamais ni prouvée ni démontrée par personne, ce qui est une chose excellente sans quoi nous ne serions plus libres de croire. Heureux donc ! nous déclare Jésus, car croire en lui ne peut être qu’un élan intérieur, celui de notre désir, pour notre plus grand bonheur, car c’est Lui, le Ressuscité qui œuvre pour la transformation et le salut du monde.

Nous ne sommes pas moins bien logés que les premiers apôtres. C’est bien sur leur témoignage que notre foi repose, mais notre expérience de non-vision, de non-contact direct, elle est reconnue par Jésus comme la condition normale de la foi dans l’histoire : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Le lieu de la foi, ce n’est pas la rétine, c’est le cœur. Alors quand quelqu’un me dit « je suis comme Thomas », j’en suis très heureux, à condition qu’il soit vraiment comme lui, c’est-à-dire heureux de croire ce qu’il ne voit pas.

Dans ces conditions, croire est une démarche difficile et exigeante, il faut bien le reconnaître, surtout parce qu’alors il nous faut aller contre notre penchant naturel qui a soif de sensationnel, de surnaturel surtout en temps de crise, et qui nous fait souvent confondre la foi et le merveilleux. Il suffit que soient annoncées quelques apparitions dans le monde ou de supposées guérisons pour que des foules se précipitent, persuadées que cela pourra soutenir leur foi. « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! », ce qui faisait dire non sans humour à un théologien bien connu à propos des miracles qui pourraient se produire aujourd’hui, que l’on ne croit pas forcément grâce à eux, mais qu’il nous faut parfois croire malgré eux. En passant place Bellecour ces derniers jours, je me suis entendu dire « circulez, y-a rien à voir ! » ; dans ce temps pascal, nous devrions nous entendre dire dans chaque église : « croyez, y-a rien à voir ! »

Dieu ne s’impose jamais, il se propose. C’est la façon d’être du Christ, mais c’est aussi la manière d’être, l’attitude que sont invités à prendre tous ses disciples. Ce doit être l’attitude de toute l’Eglise. Notre rôle au nom de notre baptême est de ne jamais imposer Dieu révélé en Jésus-Christ, en revanche, notre rôle est de toujours rechercher les lieux, les occasions et les façons les plus appropriées de pouvoir le proposer, en témoigner et en vivre aujourd’hui, car sa Parole nous envoie en mission. Amen.

Le saut de la foi, dans Indiana Jones et la dernière croisade.
https://www.youtube.com/watch?v=4P8MCvF9KvM