7ème dimanche de Pâques A – 21 mai 2023
Ac 1, 12-14 – Ps 26 (27) – 1 P 4, 13-16 – Jn 17, 1b-11a
Homélie du P. Franck Gacogne
Nous sommes dans l’évangile de Jean, et Jésus vient de prendre un temps très important et très long d’échange avec ses disciples à l’issue du dernier repas où il leur a lavé les pieds. Cet échange se termine ainsi en se tournant vers son Père pour le prier. Après cette prière, il se rendra dans le jardin au-delà du Cédron où il sera arrêté. Voici donc cette prière, et Jésus est, pourrait-on dire, à l’heure des bilans. Le ton est celui de l’action de grâce pour l’œuvre accomplie par le Père à travers lui. Dans cette prière, on en apprend un peu plus sur ce qu’est « la gloire » d’une part, et sur ce qu’est « la vie éternelle » d’autre part.
La gloire tout d’abord. Rien que dans ce passage, par 6 fois, Jésus demande à être glorifié, ou bien il veut glorifier son Père et recevoir sa gloire. Jésus voudrait-il devenir une star ? Cette gloire que demande Jésus n’a rien à voir avec la fabrication éphémère de vedettes au festival de Cannes. Car cette glorification de Jésus, se manifeste de façon complète dans le don de sa vie sur la croix, et dans sa résurrection. Il ne monte pas des marches, mais vers le calvaire, il ne foule pas un tapis rouge, mais il est revêtu de pourpre, il n’est pas acclamé par la foule, mais insulté et outragé par elle. Pourtant dans la résurrection, c’est le Père qui le glorifie, c’est-à-dire qu’il atteste que par Jésus tout nous a été manifesté, tout nous a été révélé de l’amour de Dieu. La Gloire en hébreux dans la Bible, c’est ce qui a de la consistance, c’est ce qui a du poids. Eh bien si le Fils est glorifié, c’est parce que tout ce qu’il nous a manifesté a été puissant et dense, a pesé lourd pour ses disciples et pour nous aujourd’hui qui en bénéficions. Si le Fils est glorifié, c’est parce qu’il a accompli entièrement pour nous la révélation de Dieu. Pour expliquer la gloire, On pourrait simplement dire comme les jeunes : « c’est du lourd ! » Jésus demande la gloire à son Père et même temps, il affirme qu’il la trouve auprès des siens.
Deuxième point, l’évangile nous dit que le Fils a le désir de nous donner la vie éternelle. La « vie éternelle », voilà une autre expression que nous entendons souvent dans la liturgie et que la prière de Jésus ce matin nous aide à mieux comprendre. Souvent nous pensons qu’il s’agit d’une récompense pour les méritants, d’un héritage que Dieu peut, selon son bon vouloir, nous offrir après notre mort. Comme si c’était une autre vie après celle-ci qui pourrait démarrer pour l’éternité. En fait, la vie éternelle, c’est notre vie d’ici même qui est gardée, sauvegardée, sauvée pour l’éternité.
La vie éternelle a déjà commencé comme dit une préface de la liturgie, elle n’est pas autre chose que cette familiarité avec Dieu, cette vie sous la conduite de l’Esprit qui peu à peu nous transforme en fils et filles de Dieu. Le salut n’est pas la récompense de notre amitié avec le Christ : le salut c’est cette amitié même, qui nous unit à Dieu pour l’éternité.
Jésus nous invite à choisir la vie éternelle maintenant, et en vivre sans attendre. Les sacrements n’ont d’ailleurs pas d’autre but que de faire grandir en nous la vie divine, la vie éternelle. La vie éternelle ne s’attend pas, elle se vit. Tout l’enjeu consiste à l’accueillir, à la laisser envahir peu à peu notre existence, à ne vivre que pour l’éternité, c’est-à-dire par amour.
A terme, elle trouvera dans le Christ et par lui un agrandissement, un accomplissement. Voici ce que dit Jésus dans sa prière rapporté par Jean : « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. ». Connaître Dieu en connaissant Jésus, c’est le fréquenter inlassablement dans la prière, dans la méditation de sa Parole, et dans l’engagement, le service des plus petits. C’est là que nous goûterons à sa vie, c’est là que la vie éternelle s’accomplie.
Avec cette prière, la mission de Jésus semble réalisée, car ses disciples sont devenus des croyants. Tout ce que Jésus leur a donné et apporté, voilà qu’ils ont compris que cela venait du Père, il ne lui reste alors plus qu’à se retirer humblement : « Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. » Voilà le Fils qui veut s’effacer maintenant que les disciples l’ont reconnu comme l’envoyé, afin que l’Eglise, son Eglise puisse naître animée par la force de son Esprit. Et dans cette Eglise, à nouveau, nous sommes nous aussi de ces humbles témoins du Vivant, témoin de cette Parole que nous recevons chaque jour, témoin du Christ pour ensuite lui laisser la place, toute la place, car « à Dieu seul la gloire ». Nous voici témoin au service de la gloire de Dieu. Amen.