22e dimanche du temps ordinaire A – 3 septembre 2023
Jr 20, 7-9 – Ps 62 (63) – Rm 12, 1-2 – Mt 16, 21-27
Homélie du P. Franck Gacogne.
Qui était à la messe dimanche dernier, ici ou ailleurs ? C’est juste pour savoir si vous vous souvenez du passage de l’évangile ? Jésus concluait : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas… tu es Pierre, et cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Et nous entendons aujourd’hui le passage qui suit directement celui de dimanche dernier. Et Jésus dit au même Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Pierre est déclaré « heureux », et l’instant d’après, il serait banni ? L’attitude de Dieu est-elle changeante, Jésus est-il instable ou caractériel ? Non ! C’est bien plutôt Pierre qui est impulsif et Jésus doit le recadrer, sans pour autant lui retirer sa confiance et la mission de conduire l’Eglise qu’il vient de lui confier.
Pierre est tout simplement comme nous, je crois qu’il nous ressemble beaucoup. Il a des convictions fortes, une foi profonde qu’il est souvent capable d’exprimer et de mettre en œuvre, (c’est par exemple lui qui se jette à l’eau pour rejoindre Jésus, c’est le premier qui va entrer dans le tombeau…), mais Pierre fait aussi des erreurs de jugement (par exemple quand il refuse que Jésus lui lave les pieds), il fait même gravement preuve de lâcheté (pensons à sa fuite, à son reniement au moment de l’arrestation de Jésus). En fin de compte, sa foi en Jésus, comme la nôtre, est bien réelle, mais elle a vraiment besoin de grandir de s’affermir, de se former. Car pour Pierre comme pour chacun de nous aujourd’hui, c’est le même enjeu : il est absolument nécessaire que notre témoignage de foi soit ajusté au vrai visage de Dieu pour que nous ne soyons pas un obstacle à l’acte de croire, mais qu’au contraire nous puissions faciliter le questionnement des personnes qui sont en recherche de sens, de vie, de Dieu.
Je suis convaincu que l’une des plus grandes causes de l’incroyance aujourd’hui, ce sont les fausses idées de Dieu qui persistent et parfois même, se transmettent. Souvent quand je rencontre quelqu’un qui me dit ne pas croire en Dieu mais que je sens qu’il est prêt à aller plus loin et qu’il est prêt à en parler, je lui demande quelles images, quels mots il associe à son idée de Dieu. Et bien souvent, j’entends des descriptions inédites et même terrifiantes : Un Dieu infantilisant, pervers, vengeur, interventionniste, magicien… que sais-je encore. Une multitude de représentations curieuses, tenaces et parfois terribles qui me font conclure devant cette personne : « Eh bien vous avez absolument raison, et je suis d’accord avec vous on ne peut pas croire en Dieu s’il est comme vous le décrivez », tout simplement parce qu’un Dieu comme celui-ci est in-croyable pour toute personne sensée.
Notre participation à la vie de la paroisse, nos lectures, les formations chrétiennes proposées doivent nous rendre capable de déconstruire les fausses images de Dieu que nous portons et qui sont des obstacles à l’acte de croire, rendant Dieu incroyable voire repoussant. Il y a je crois ici un défi majeur, pour que le Dieu dont nous essayons d’être le témoin soit réellement le Dieu révélé par Jésus-Christ. Parce que c’est ce que Jésus reproche précisément à Pierre : d’être un obstacle à la foi. Parce que Pierre porte une fausse image de Dieu. Il est persuadé que puisque Jésus est le Fils de Dieu, le Messie, jamais il ne sera amené à souffrir, et encore moins à être tué. Mais Pierre fait fausse route.
Parfois comme Pierre, nous pensons que la puissance de Dieu se manifeste dans ses paroles, dans ses actes de guérison, dans son autorité…autrement dit comme un « super héros ». Mais ce n’est pas vrai, et Jésus le dit vigoureusement à Pierre. La plus grande manifestation de la puissance de Dieu, elle n’est pas dans le fait que puisqu’il est Dieu, il serait aussi une sorte de surhomme capable d’échapper à la souffrance et à la mort. Non, parce qu’alors en quoi un tel Dieu me rejoindrait dans mon existence et dans ma vie qui, elle, est bien soumise à ces difficultés. La puissance de Dieu se manifeste au contraire dans le fait que Jésus tout en étant Fils de Dieu, traverse lui aussi l’épreuve, la souffrance et la mort au cœur à cœur, au corps à corps avec nous. Mieux encore, il nous y devance. La plus grande révélation de la puissance de Dieu, c’est la croix parce qu’elle est le signe de l’amour de Dieu pour chacun de nous, jusque dans nos abîmes. Et parce que Jésus la dépasse, parce qu’il la surpasse, nos propres croix sont comme chargées de sa puissance de vie qui a le dessus sur la mort. Et comme c’est la croix qui nous révèle à quel point Dieu nous aime, c’est la raison pour laquelle Jésus se met en colère quand Pierre cherche à l’en préserver.
Prenons quelques instants pour contempler le Christ sur la croix. Et si dans chaque célébration où nous entendons dire de Dieu qu’il est tout puissant nous pouvions penser à la croix, alors nous aurons compris que Dieu n’est puissant qu’en amour, parce qu’il s’est rendu vulnérable avec nous sur un chemin difficile. Mais par Jésus, avec lui et en lui, Dieu nous en relève. Amen.