33e dimanche du temps ordinaire A – 19 novembre 2023
Pr 31, 10-13.19-20.30-31 – Ps 127 (128) – 1 Th 5, 1-6 – Mt 25, 14-30
Homélie du P. Franck Gacogne.
Il y a de quoi protester ! Non ? Un enfant se fait gronder par sa maman. Et l’enfant proteste : « mais maman, je n’ai rien fait ! ». Et sa mère de lui répondre : « Et bien c’est précisément ce que je te reproche, de n’avoir rien fait ! ». Vous savez quand on récite parfois le « je confesse à Dieu » au début de la messe et que l’on reconnaît avoir péché par omission : omettre de faire… éviter d’être là où nous serions pourtant attendus. Bien sûr, ceux qui ne font rien ne se trompent jamais ! Mais voilà que Dieu semble préférer que l’on se trompe, que l’on prenne le risque de mal faire, plutôt que de refuser de faire fructifier les talents qu’il a déposé en nous.
La vie, c’est mettre en œuvre de ce que l’on a reçu et ce que l’on est, et heureusement, nous ne sommes pas des clones : nous avons reçus des talents différents pour que chacun puisse exister d’une façon unique et irremplaçable. Ne pas le faire, c’est s’exclure soit même. Rendre autant que l’on a reçu comme les deux premiers serviteurs, ce n’est pas être spécialement performant, c’est simplement accueillir la confiance reçue du Seigneur, en vivre et la partager dans sa relation aux autres. Dans cette « journée de l’attention à toutes les précarités » il est essentiel de prendre conscience que nous avons absolument tous reçu des talents, et que nul n’est est dépourvu. Parfois, il est nécessaire d’aider des personnes à repérer ce qu’elles sont capables d’être ou de faire, mais une fois que c’est fait, il ne faut surtout pas faire à leur place sinon, on leur vole leur talent, ce qui est encore plus grave que de l’enterrer.
Autre protestation que l’on entend souvent sur cette parabole : « Ce n’est pas juste, ils ne reçoivent pas tous autant ! » Ce qui ne serait pas juste, ce serait plutôt d’obliger tout le monde à devoir franchir une barre placée à 2m de haut, en sachant pertinemment que seuls quelques-uns en auraient peut-être la capacité. Le maître ne charge pas sur les épaules de ses serviteurs un fardeau impossible à porter. Il ne considère pas que tous sont capables d’accomplir la même mission. Non, au contraire, il considère chacun dans sa singularité et sa capacité, et il donne d’une façon nominative à chacun ce qui lui est accordé, ce qu’il est capable d’assumer, puis dans une confiance totale, il part en voyage, il se retire.
En se retirant, Jésus confie son Eglise à tous ses serviteurs. Mais aucun de nous, aucune communauté particulière n’en est propriétaire, aucun de nous n’a le droit de s’approprier l’Eglise du Christ et la faire sienne à son image ou de l’enfouir dans son pré carré pour la figer et pour que plus rien ne bouge. Non, le Christ nous invite à être des chrétiens audacieux et inventif, à ouvrir nos mains pour donner et se donner, car le vent de l’Esprit souffle où il veut.
Dernière protestation entendue : « le maître se conduit comme un tyran et il qualifie le dernier serviteur de ʺbon à rienʺ ! » Y-a-t-il en effet une remarque plus dégradante que l’on puisse faire à quelqu’un ? Nulle intention pour moi de justifier ou défendre cette attitude, car elle n’est pas défendable. Mais seulement de remarquer que ce serviteur avait comme les autres toute la confiance de son maître et que lui-même a décidé de ne rien faire de bon de ce qu’il avait reçu. Il se trouve aussi que ce troisième serviteur adopte une très mauvaise attitude pour au moins deux raisons. D’abord parce qu’il prend et il traite le maître comme s’il était un patron impitoyable et d’emblée, il le juge dur et même malhonnête, puisqu’il l’accuse de moissonner et de ramasser sur des terres qui ne lui appartiennent pas ! Pour être claire, par ces mots-là, il l’insulte. Ensuite ce troisième serviteur se trompe d’attitude parce qu’en fin de compte, il ne s’agit pas d’argent, Il s’agit d’un don, il s’agit de lui-même, de ce qu’il est. Alors, il n’y a alors rien à perdre mais il y a tout à gagner de vivre et de déployer ce que l’on a reçu et ce que l’on est.
Le pape François nous appelle très souvent à être à la fois disciple et missionnaire. Nous sommes disciples en reconnaissant ce que nous avons reçu et en suivant le Christ, mais sommes missionnaires si nous cherchons à faire fructifier et à partager ce que nous avons reçu, en donnant si possible à d’autre l’opportunité et la joie de connaître Jésus et de le suivre. Osons aller jusque-là pour accomplir et mettre en œuvre notre baptême. Amen.