Dimanche des Rameaux B –24 mars 2024
Is 50, 4-7 – Ps 21 (22) – Ph 2, 6-11 – Mc 14, 1 – 15, 47
Homélie du P. Franck Gacogne
Vous l’avez remarqué, Jésus est acclamé comme un roi à son entrée à Jérusalem et en criant « Hosanna », la foule espère qu’il sera le Sauveur. Les rameaux qu’ils brandissent représentent leur espérance en Jésus qui vient chez eux pour qu’il les sauve, les préserve du mal, pour qu’il les protège. N’espérons-nous pas nous aussi la même chose ? Alors, posons-nous cette question : « Jésus a-t-il été préservé de la souffrance et de la mort ? » Non, nous le savons bien ! Alors prenons bien conscience de ceci : si le Christ lui-même n’a pas été protégé par les rameaux qui l’acclamaient, comment ceux que nous tenons en main le pourraient-ils ? Cela veut dire qu’il faut donc aller chercher du sens ailleurs…
Dans le récit de la Passion, les passants injurient Jésus en lui disant : « Hé ! toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix !». Le fait-il ? Non ! Le peut-il ? Non plus ! Si Jésus lui-même a subi le mal, s’il a traversé la souffrance et la mort, c’est pour nous faire comprendre qu’il n’est pas en mesure de nous en faire réchapper. On se trompe souvent sur ce que Dieu est capable de faire. Mon homélie dimanche dernier portait précisément sur la qualification de Dieu comme « Tout-Puissant ». Avons-nous bien lu ou entendu l’hymne aux Philippiens ? C’est pour moi le texte de St Paul le plus important. Il nous dit que la toute-puissance de Dieu, c’est de s’être dépouillé radicalement et totalement de toutes les marques de pouvoir et de puissance qu’on lui attribue si facilement (Ph 2), de toute superstition, de toute illusion magique d’un Dieu interventionniste dans nos vies. La vérité, c’est que Dieu est tout puissant quand il choisit de se mettre à hauteur d’homme, quand bien que Fils de Dieu, il s’anéanti, jusqu’à la mort de la croix.
Quand nous crions « pourquoi ! » devant tant de situations qui nous accablent, devant des massacres, des attentats, des crimes de guerre, attendons-nous l’intervention d’un Dieu magicien qui répondra à notre appel, au risque de renoncer à croire en lui, si nous n’obtenons pas de signes efficaces ? Ou bien prenons-nous conscience, d’une façon fulgurante, que le signe de la puissance de Dieu, c’est précisément de comprendre qu’il n’est pas spectateur en surplomb de nos vies accablées, mais c’est le fait d’être accablés et anéanti avec nous : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
La plus grande révélation de la puissance de Dieu, c’est la croix, parce qu’elle est le signe d’un amour sans limite qui va avec nous jusqu’au bout de la faiblesse et de l’abandon sans se défiler. C’est la croix qui nous révèle à quel point Dieu nous aime car dans ce moment ultime, il ne nous lâche pas la main. Jésus n’est pas venu pour que les hommes ne connaissent plus la mort, mais il est venu pour que, si la mort survient, comme pour lui, il puisse nous donner la vie, sa vie au-delà de la mort ! Jésus ne nous sauve pas de la mort, car cet « instant » survient bien pour nous tous comme pour lui, mais il nous sauve de la mort « prolongée », de la mort « éternelle » dit la Bible, car pour Jésus comme pour nous, elle est un passage furtif vers le Père. Si Jésus n’était pas mort comme nous, comment pourrions-nous croire et espérer que sa résurrection à lui nous concerne et comment nous serait-elle accessible ? Précisément, Jésus est mort de la façon la plus infâme pour que nulle souffrance humaine ne puisse échapper à la résurrection.
Vous l’avez compris, les rameaux que nous tenons dans les mains ne sont pas des grigris, mais ils sont bénis ! Cela veut dire qu’ils sont le signe que la souffrance et la mort ne seront pas évités mais vaincus par le Christ, avec le Christ à nos côtés aujourd’hui et demain. C’est pour cela que nous glissons ces rameaux derrière une croix ils ne cachent pas cette croix, mais ils nous indiquent qu’elle va refleurir. Amen.