13e dimanche du temps ordinaire B – 30 juin 2024
Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24 – Ps 29 (30) – 2 Co 8, 7.9.13-15 – Mc 5, 21-43
Homélie de Franck Gacogne
Cet évangile comporte deux récits différents mais qui sont complètement imbriqués l’un dans l’autre. Ces deux événements ont un lien très profond : Dans les deux cas, ils nous montrent Jésus qui invite à la confiance ; et nous pouvons y voir aussi un cheminement dans la foi des personnes qui le rencontrent.
Au point de départ, cette femme n’est peut-être pas croyante, c’est sa situation qui la met en route. Elle souffre depuis 12 ans, elle a entendu parler d’un guérisseur… alors elle y va. D’après la loi juive, sa maladie la rend impure, elle est donc exclue de toute vie sociale et religieuse. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle ne vient pas trouver Jésus directement car elle n’a pas le droit d’être là au milieu de la foule. D’après la Loi et les conventions, elle n’a rien à y faire, alors elle décide d’un geste en cachette, à la sauvette. Elle va simplement toucher le manteau du Seigneur. Nous pourrions nous dire d’un geste dédaigneux que ce n’est que de la superstition. Mais c’est pourtant dans ces circonstances que Jésus va chercher à la rejoindre. Il va lui faire faire un cheminement, lui permettre une croissance dans la foi : De son geste en catimini, il va la mettre au grand jour. Il ne lui dit pas : « tu es guérie », mais « tu es sauvée. » Cela veut dire quelle va pouvoir trouver une relation vraie avec Dieu ; avec ses frères, qu’elle pourra être complètement réintégré à la communauté qui l’excluait.
Pour Jaïre, c’est un peu la même chose. Lui aussi n’a plus rien à perdre. Sa petite fille est à toute extrémité. Là encore, sa foi est celle que nous pourrions avoir en pareille circonstance. Si j’ai un proche, qui plus est si jeune, atteint d’une maladie incurable, j’aurais sans doute envie d’aller consulter n’importe qui, de chercher n’importe quel remède. Si on avait dit à Jaïre que Jésus était capable de ressusciter les morts, il n’y aurait sans doute pas cru et ne se serait pas déplacé. Voilà pourquoi quand on vient lui dire que sa fille est morte, il faut que Jésus le prenne avec lui pour lui dire : « ne crains pas ; crois seulement. » autrement dit, passe de la superstition qui s’arrête à la mort dont la mort est une butée infranchissable, à la foi qui elle conduit et amène à la vie.
Ces deux histoires ont ceci de commun que le Christ vient rencontrer deux personnes là où elles en sont de leur foi, et il va leur faire faire un pas en avant, parce que ces deux personnes ne se résignent pas devant la maladie et le malheur.
Nous pouvons aussi en conclure qu’il n’est pas opportun de chercher à mesurer notre propre degré de foi, à plus forte raison le degré de la foi des autres. Dire de quelqu’un que c’est un grand croyant, cela ne veut rien dire. Ce qui compte c’est que je me laisse rejoindre par le Christ, que je sois un chercheur de Dieu, et pas seulement quand tous les moyens humains ont été épuisés. « Confiance, dit Jésus à Jaïre, ne crains pas ! » Que Alessio, Victoire et Gabin avancent dans la confiance en cet Amour dont ils sont revêtus par le baptême en ce jour.
Ce dimanche et le WE prochain, nous allons voter, enfin j’espère que vous le ferez. Plusieurs sondages sérieux indiquent que plus de 40% des catholiques pratiquants ont voté pour l’extrême droite aux européennes et que ces mêmes personnes sont prêtes à réitérer leur vote dans le même sens pour ces législatives. Comme prêtre, mon rôle est de rappeler l’évangile inlassablement. Mais rappeler l’évangile, c’est aussi dénoncer ce qui lui est ostensiblement incompatible. En conscience, j’ai considéré qu’il m’est impossible de pas pointer cette incohérence majeure, à savoir : être catholique, qui plus est pratiquant, et voter pour l’extrême droite.
Dans toute la Bible et plus encore dans l’attitude et les paroles de Jésus, il y a une constance qui ne souffre aucune exception : celle de venir en aide, de sauver, de soutenir, d’aimer, d’intégrer toute personne quelle qu’elle soit, surtout si elle est étrangère, exclue ou en précarité. Cette constance trouve bien entendu son sommet dans la parabole du bon samaritain (Lc 10, 25-37) où c’est même l’étranger qui est donné en exemple à tous par Jésus car c’est le seul qui a été apte à venir au secours de l’homme blessé.
Je suppose qu’être catholique, c’est manifester son attachement à Jésus. Alors plus encore, être catholique pratiquant, c’est vouloir rencontrer Jésus, le servir et s’en nourrir. Mais où est-il donc ? « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! […] Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Mt 25, 35-40
Alors bon discernement pour un choix éclairé et mûri et surtout un choix qui ne soit pas anti-évangélique ! Amen.