Assomption de la Vierge Marie – 15 août 2024
Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab– Ps 44 (45) 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16– 1 co 15, 20-27a – Lc 1, 39-56
Homélie de Franck Gacogne
Je crois qu’en fêtant l’Assomption de Marie aujourd’hui avec toute l’Église, c’est avant tout le Christ que nous sommes invités à placer au cœur, au centre de notre foi de baptisé. Marie est comme l’enveloppe qui contient un message précieux, nous la recevons avec beaucoup de joie aujourd’hui par cette fête, mais nous sommes invités à découvrir ce qu’elle contient. Et l’évangile choisi pour cette fête vient précisément nous inciter à centrer notre attention sur ce contenu, Marie ne cesse de nous le désigner. Nous sommes dans l’Évangile de Luc, Marie vient d’apprendre et d’accepter sans bien comprendre d’être celle qui non seulement porterait et enfanterait celui qui sera le Messie attendu, mais plus encore qui l’élèvera, contribuera à sa croissance et au mûrissement de sa conscience et de sa mission pendant ses 30 premières années. C’est très certainement le rôle le plus essentiel de Marie mais sur lequel curieusement les évangiles sont quasi muets. Voilà donc qu’après l’Annonciation, Marie se précipite chez sa cousine Elisabeth et voilà la première occasion pour Marie de partager, de donner celui qui la comble de grâce : le texte nous dit qu’à la salutation, « Elisabeth fut remplie de l’Esprit Saint », 1ère transmission, 1er don, et à partir de ce moment-là, elle ne cessera de le donner et de le désigner et ainsi de cette façon-là d’en être comblé et glorifié par son Assomption.
Tous ceux d’entre vous qui donnent de l’amour sans compter à leurs proches, tous ceux qui sont à l’affût du service qu’ils peuvent rendre à quelqu’un d’une manière vraiment désintéressée et seulement pour son bonheur, ceux-là savent bien parce qu’ils l’expérimentent qu’ils ne sont diminués en rien de tout ce qu’ils peuvent donner. Bien au contraire comme Marie qui rencontre Elisabeth, il y a un bonheur puissant à faire celui des autres.
Cette rencontre entre Marie et Elisabeth n’est qu’action de grâce, non pas parce qu’elles pourraient s’enorgueillir l’une et l’autre d’avoir été touchées par le Seigneur, mais parce qu’elles expérimentent au plus profond de leur être que Dieu est simple, humble, et surtout déterminé dans sa volonté de faire Alliance : voilà que la rencontre ne va plus se faire par prophète interposé. Nous entrons dans la nouvelle Alliance : Dieu veut ce corps à corps en Jésus, il veut ce cœur à cœur avec Jésus : l’incarnation, Dieu fait Homme, voilà le mystère de la foi le plus inouï. Voilà ce qui se profile : Marie et Elisabeth en sont les témoins privilégiées. Elles ne peuvent que faire éclater leur joie et leur bonheur profond. Marie centre toute notre attention sur Celui qui vient. La puissance de celui qui est annoncé est insolite : il est Saint et puissant en Amour, car il s’attache à restaurer dans leur dignité ceux qui sont accablés et abattus, il se souvient de son Alliance. Jésus viendra prendre le visage de ce Dieu que Marie esquisse, mais beaucoup ne comprendront pas en quoi cette puissance sert leurs intérêts. Dans cette incompréhension et ce rejet, Marie sera là au pied de la croix, comme elle sera la première bénéficiaire de sa grâce, de l’amour dont il n’a cessé de la combler et qu’elle n’a cessé d’offrir aux autres : c’est le « faîtes tout ce qu’il vous dira » des noces de Cana qui marquent le début de sa vie publique en Jean.
Avec Marie et Elisabeth qui rendent grâce pour ce Dieu qui se donne, à notre tour nous faisons Eucharistie pour accueillir Jésus qui se donne dans l’humilité d’un peu de pain et de vin. Rassemblés, nous sommes invités à accueillir ce corps du Christ, mais plus encore à le devenir, à le restituer, à le donner au monde tout simplement en témoignant combien la foi en un Dieu qui se fait homme, tout proche, « tout nôtre », combien cette foi donne du sens à notre vie et à nos choix d’aujourd’hui.
Peut-être que notre prière prend souvent la tournure d’une demande, un « s’il te plait », un « viens à mon aide », et il est bon qu’il en soit ainsi car c’est bien ce que Marie dit du Seigneur « il se penche, il élève, il comble de biens… ». Alors que notre prière prenne aussi la tournure d’une action de grâce, à la manière de Marie pour qui Dieu devient compréhensible, un merci parce que Dieu prend le visage de l’humanité en se faisant dépendant de notre liberté. « Tu es béni entre toutes les femmes… Tous les âges me diront bienheureuse ». Précisément parce que dans sa liberté elle a dit « oui » à Dieu qui a voulu se risquer à nos côtés. Elle a mené une vie ordinaire qui a laissé peu de traces. Son Assomption signifie qu’elle atteint la « Gloire ». Dans la langue hébraïque, le mot « gloire » veut dire « ce qui fait du poids » aux yeux de Dieu. Et bien sa vie toute ordinaire a fait le poids aux yeux de Dieu parce qu’elle a dit oui à Dieu dans les petits détails de la vie quotidienne. Comme quoi, rien n’est trop ordinaire pour ne pas être important. Marie nous dit que l’extraordinaire est possible dans l’ordinaire d’une vie toute simple. Tant de oui ordinaires sont nécessaires aujourd’hui pour que la joie tressaille dans le cœur de tant de personnes découragées qui n’attendent que nos mains pour que Dieu les relève et les comble de bien.