Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

21ème dimanche du temps ordinaire – 25 août 2024

Jos 24, 1-2a.15-17.18b – Ps 33 (34) 2-3, 16-17, 20-21, 22-23 – Ep 5,21-32 – Jn 6, 60-69

Homélie de Franck Gacogne

Difficile d’esquiver la lettre de Paul, on me le reprocherait ! Non ? Dieu est-il misogyne ? St Paul serait-il un horrible macho ? Après ce que nous avons entendu il est légitime de se poser la question. Des phrases, des mots nous arrêtent, nous choquent, voire nous scandalisent : « Soyez soumis les uns aux autres ; les femmes à leur mari… pour la femme, le mari est la tête ». Et, à raison, l’évangile rétorque : « Cette parole est rude, qui peut l’entendre ? » Le mot soumission nous fait frémir et c’est normal parce que nous l’associons à une servilité, une absence de liberté, nous associons ce mot à une sorte de hiérarchie oppressante qui entrave et qui écrase ceux, celles qui sont à sa base. Nous savons que Paul a tenu d’autres propos qui contrebalancent largement cette impression. Je ne cherche pas ici à le défendre, mais plutôt à comprendre et je vous invite à lire le livre du P. Michel Quesnel à ce propos : Paul et les femmes, ce qu’il a écrit, ce qu’on lui a fait dire.

            Pour tenter une compréhension, il me semble important de noter quand même que le mot qui est traduit par « soumission » est utilisé dans Luc pour Jésus lui-même qui se soumets à ses parents après leur avoir fait faux bond dans le temple (Lc 2, 51). N’allons pas trop vite penser que St Paul encourage le machisme dans la vie de couple. Car en fait, nous l’avons lu, St Paul décrit d’abord dans ce texte la relation du Christ à son Église c’est-à-dire la relation qu’il entretient avec chacun des baptisés, avec chacun d’entre nous. Je crois que la question qu’il faut nous poser est alors celle-ci : « De quelle nature est la relation entre Jésus et nous, et comment le lui rendons-nous ? » Pensons-nous que c’est une relation dominante et sévère qui nous mets dans la crainte et qui nous écrase ? pensons-nous que c’est une relation infiniment aimante et respectueuse, qui dans la liberté donnée, soutient, relève, sou-met, c’est-à-dire mets sous son regard d’amour et accompagne ? Attention, notre réponse sur la nature de la relation entre le Christ et nous est essentielle, car St Paul nous dit dans ce passage que la relation entre époux doit être à l’image de la relation entre le Christ et son Église. Pour ma part, je crois qu’il s’agit d’une relation infiniment amoureuse et respectueuse. La clé de lecture se trouve dans ce « comme », dans ce « à l’exemple du Christ » donné par Paul, et c’est donc ainsi que doit être la relation conjugale…

            Venons-en maintenant à l’évangile de Jean. Nous sommes à la fin du chapitre 6, c’est-à-dire au moment où Jésus termine son grand discours sur le pain de vie. Il a eu des paroles très fortes, percutantes qui ébranlent les certitudes de ceux qui l’écoutent, qui les secouent ; des paroles qui déplacent leurs convictions : « moi, je suis le pain qui est descendu du ciel… Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ». Personne n’avait jamais parlé comme ceci jusqu’à présent.

            Il y a quelques années, j’ai rencontré une personne qui me disait avec beaucoup de regrets : « Oh, la religion n’est pas assez tolérante, on ne peut pas y mettre et croire ce que l’on veut ! ». Cet homme voulait que chacun puisse croire et pratiquer à sa guise sans référence à une quelconque histoire ni même à Jésus-Christ. Il voulait d’une certaine façon faire Dieu à son image plutôt que de reconnaître que nous sommes façonnés à la sienne. Nous connaissons beaucoup de personnes qui pensent ou souhaitent ceci, la majorité peut-être, c’est d’ailleurs parfois un époux, un fils, une sœur, un collègue de travail. C’est vrai, la foi chrétienne n’est pas un cocktail que chacun compose à la carte selon ses goûts et l’humeur du moment. Tellement dilué, le Christ risquerait de ne plus y avoir ni goût ni saveur. Dans cet évangile, Jésus refuse cette dérive. Il a une parole percutante qui atteint les cœurs et face à laquelle chacun est tenu de prendre position. Il y a ceux qui disent : « c’est intolérable, insupportable, on n’y croit pas ! » et ils s’en vont. Et c’est une bonne nouvelle, que dans les premières communautés chrétiennes comme dans l’Église aujourd’hui, les hommes et les femmes soient invités à la liberté, et donc le cas échéant et en connaissance de cause, à refuser la foi chrétienne et à se retirer. Dans notre évangile, c’est le cas, non pas de quelques personnes de passage qui écoutaient Jésus ce jour-là, non, c’est ce qui arrive à beaucoup de ses propres disciples. Preuve s’il en était besoin que Jésus n’a vraiment rien d’un gourou. Rien de ce qu’il dit n’a pour but d’appâter, il n’a pas un discours convenu, insipide et bien enrobé. Non, il est incisif, il touche les cœurs, sa parole oblige à se déterminer soi-même. Loin de tout embrigadement, non seulement les disciples le quittent, mais il a encore l’audace de signifier aux 12, aux plus fidèles, aux plus proches, qu’eux aussi sont libres. Et nous avons alors cette magnifique confession de foi de Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. ». Cette profession de foi est admirable. Pierre reconnaît l’exigence des paroles de Jésus, mais aussi leur vérité vivifiante parce qu’elles donnent sens à sa vie, elles l’orientent vers le Dieu de l’Alliance. Vous remarquerez que Pierre dit « nous croyons et nous savons ». C’est absolument essentiel : la foi n’est pas qu’affaire se sensibilité et d’émotion, elle est élan du cœur certes, mais elle est adhésion à la personne de Jésus Christ ressuscité : c’est le « nous croyons » ; et pourtant, cela ne suffit pas : elle peut et doit aussi se comprendre et s’affermir par l’expérience partagée l’étude, la réflexion, le débat en Église pour une meilleure intelligence de la foi : c’est le « nous savons ». La Révélation chrétienne éclaire l’intelligence et elle nourrit la foi. Vous vous rappelez peut-être le thème de la fête de la théologie vécue à Vaise il y a 2 ans : « Croire pour comprendre ET comprendre pour croire ».

            C’est la rentrée, pour notre foi aussi : chaque année, nous avons à redevenir ce que nous sommes, et prendre position librement dans la confiance pour refaire le choix du Christ. Comme Pierre, prenons chacun un temps de silence pour exprimer au Seigneur l’attachement que nous voulons lui donner cette nouvelle année. Amen.