23ème dimanche du temps ordinaire – 8 septembre 2024
Is 35, 4-7a – Ps 145 (146) 6c-7, 8-9a, 9bc-10 – Jc 2, 1-5 – Mc 7, 31-37
Homélie de Bernard Badaud
Le prophète Isaïe, l’apôtre Jacques, l’auteur du psaume et Jésus sont sur la même longueur d’onde ! Le projet de Dieu, le désir de Dieu, la volonté de Dieu, c’est la victoire de la vie et de la joie sur toutes les forces de mort.
L’aveugle, le sourd, le boiteux, le muet… Les opprimés, les affamés, les enchaînés, les accablés et les étrangers, les veuves et les orphelins. Le pauvre aux vêtements sales et le sourd qui a du mal à parler. Quelle assemblée !
Dès le début de sa première lettre aux Corinthiens, St Paul résumera : « Regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de gens puissants ou de haute naissance. Mais ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est. » Nous voici donc une fois encore confrontés au choix radical de Jésus tourné vers ceux qui sont marginalisés, méprisés, sans importance.
Je relève aussi que Jésus ne se contente pas de parler des pauvres et des étrangers « de loin »… il se rend chez eux, il vient au contact : L’Évangile de Marc note que Jésus s’est rendu « en plein territoire de la Décapole » autrement dit dans une région païenne peuplée de non juifs. Et c’est là que Jésus pose la main sur le sourd muet, lui met le doigt dans les oreilles, touche sa langue. Ces gestes de Jésus soulignent ce qui est au cœur de notre foi chrétienne et que l’on désigne par le mot « incarnation ». En Jésus, non seulement Dieu prend un corps semblable au nôtre « le Verbe s’est fait chair » dit St Jean, mais Jésus révèle par ces gestes que Dieu prend au sérieux nos corps de chair et nous invite à en faire autant. Prendre soin des corps, surtout lorsqu’ils sont fragilisés, c’est marcher avec le Christ.
Il y avait en Allemagne au temps du nazisme un pasteur luthérien Allemand nommé Dietrich Bonhoeffer. Devant le développement des crimes nazi, il a voulu parler de la grâce de Dieu et il distinguait entre ce qu’il appelait la grâce à bon marché et la grâce qui coûte. La grâce à bon marché, c’est quand nos communautés chrétiennes se contentent de rites, de pratiques religieuses sans engagement dans le concret de la vie. La grâce qui coûte, c’est quand on se met à la suite du Christ et qu’on enfile avec lui le tablier du service. Et cela peut aller jusqu’à prendre des risques « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » disait-il.
L’Evangile nous appelle aussi à nous reconnaître en ceux qui sont désignés comme sourds, muets et aveugles… car il toujours possible d’avoir une vue et une ouïe excellentes sans pour autant être capable de voir et d’entendre ceux qui souffrent, les victimes des injustices ou de l’indifférence. C’est la parole de Dieu à Moïse « J’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris, je connais ses souffrances. ».
Il y a eu cette semaine le naufrage d’un bateau de migrants dans la Manche. 12 morts, des femmes et des enfants. L’Évêque d’Arras, Olivier Leborgne écrit : « Parce que je crois au Christ ressuscité, je ne peux pas me résigner à ce que la dignité d’un homme ou d’une femme soit bafouée, quelle que soit sa situation ou ses origines. Je veux dire que le seul réalisme qui compte sur cette question, ce n’est pas celui de nos peurs, dont certains se font les commerçants, mais la résurrection du Christ qui nous met debout et nous donne l’espérance. Pour les chrétiens en particulier, il est impossible de se résigner, de ne pas se battre pour faire vivre autour de nous la fraternité. ». Et si nous nous trouvons bien impuissants ou pas très courageux, nous pouvons au moins rendre grâce pour ces femmes et ces hommes qui suivent le Christ, parfois sans même le connaître, sur les chemins de cette fraternité.