28e dimanche du temps ordinaire A – 11 octobre 2020
Is 25, 6-10 – Ps 22 – Ph 4, 12-14.19-20 – Mt 22, 1-14
Homélie du P. Franck Gacogne
« Qu’est-ce que je vais me mettre ? Je n’ai rien à me mettre ! ». Invité à des noces, il n’est pas rare que ce soit la première préoccupation qui nous vienne à l’esprit. Cela veut donc dire que le vêtement avec lequel nous allons choisir de venir à ce mariage a une grande importance pour nous, mais aussi dans cette parabole, j’y reviendrai tout à l’heure.
« Heureux les invités au repas du Seigneur », vous connaissez bien cette phrase prononcée par le prêtre présentant le Corps et le Sang du Christ juste avant la communion. On entend parfois aussi : « Heureux les invités au festin du Royaume », ou encore : « Heureux les invités aux noces de l’Agneau ». Cette dernière expression plus énigmatique vient du livre de l’Apocalypse où l’on peut lire ceci : « Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! Car elles sont venues, les Noces de l’Agneau, et pour lui son épouse a revêtu sa parure. Un vêtement de lin fin lui a été donné, splendide et pur. » Car le lin, ce sont les actions justes des saints. » (Ap 19, 7-8). Dans la Tradition de l’Eglise, on a associé le Christ à l’époux qui vient épouser son Peuple, l’Eglise. Telle est l’image du Royaume que Jésus développe aujourd’hui dans cette parabole. Essayons de lui donner du sens.
« Heureux les invités au repas du Seigneur ». Une question se pose : qui sont les heureux invités ? « Le roi envoya ses serviteurs pour appeler à la noce les invités… ». Dans un premier temps, l’invitation semble ne concerner que des invités bien précis. Et devant le refus d’un certain nombre d’entre eux, l’invitation s’élargit, elle s’étend très largement à tous ceux qui entendent l’appel et veulent bien y répondre. Au moment où est rédigé l’évangile, se vit précisément cette extension de l’annonce de la Parole bien au-delà du peuple élu. Saint Paul est par excellence la figure de l’apôtre des nations, qui fait sortir du milieu juif l’annonce de l’évangile pour l’ouvrir à tous.
Voilà de quoi nous interroger. Nous avons tous déjà été invités à un repas de mariage. Parfois, avant même de s’interroger sur ce qu’on allait se mettre, nous voudrions savoir à l’avance qui a été invité. Peut-être même que nous réservons notre réponse avant de nous être assuré que telle ou telle personne avec qui l’on se sent proche serait bien présente. Eh bien le Royaume des cieux, le repas des noces auquel nous invite le Christ est d’une toute autre ampleur : Dieu invite à la croisée des chemins les « bons comme les mauvais » nous dit l’évangile. L’Eglise voulu par le Christ n’est pas un club privé de gens qui se connaissent et qui se reconnaissent, qui constitue un entre-soi comme le dit le pape François. Mais l’Eglise est nécessairement faite d’hommes et de femmes de toutes conditions et de toutes origines. C’est une dimension à laquelle nous devons être très attentifs, car l’invitation de Dieu à ce repas que nous vivons en ce moment, c’est par nous qu’elle passe : nous sommes de ces serviteurs de la parabole à qui il est demandé d’aller à la croisée des chemins pour inviter largement. Il dépend de nous de ne pas détériorer l’image de l’Eglise que le Christ veut épouser : un peuple bigarré d’hommes et de femmes de toutes conditions : vous en conviendrez, c’est une immense responsabilité !
Dans cette parabole, le repas de noce est une image du Royaume des cieux et peut-être de la fin des temps avec le Seigneur. Entre ceux qui chante « on ira tous au paradis ! » et ceux qui le réserve aux seul méritants à leurs yeux, la parabole se termine en nous disant que « beaucoup sont appelés, mais peu sont élus ». Remarquons tout d’abord que cette vie avec le Seigneur est de l’ordre du festin royal, et non pas d’un petit pique-nique solitaire sur le coin d’une table de cuisine : réjouissons-nous, cela veut dire que le coronavirus n’est pas invité à ces noces ! Ensuite ce qui est fondamental, c’est que l’invitation à ce festin s’adresse absolument à tout le monde sans exception. Il se trouve que certains déclinent l’invitation, ou même la refusent violement : du coup, ils s’excluent eux-mêmes de cette proposition qui leur a pourtant été faite. Demeure tout de même cette finale un peu plus difficile à comprendre : cet homme qui a répondu oui à l’invitation, mais sans avoir revêtu le vêtement de noce, et qui est alors exclu du repas par le roi lui-même. Que pouvons-nous en comprendre ?
Rappelez-vous la première question qu’on se pose « qu’est-ce que je vais me mettre ? », parce que par le choix réfléchi de notre vêtement, nous voulons donner notre part, nous voulons contribuer à faire honneur à l’événement, et non pas arriver en touriste et y imposer une tenue sans doute pas très républicaine. Fondamentalement je crois qu’en nous invitant, le Christ n’attends de nous ni une tenue désinvolte, ni un costume ou une robe de soirée, mais le vêtement de notre baptême. Mieux que cela, répondre oui à l’invitation du Seigneur, c’est désirer le laisser lui-même nous revêtir de ce vêtement, celui de sa miséricorde renouvelée sans cesse d’une façon toujours inconditionnelle, imméritée et gratuite (AL 297). Nous exprimons ce désir au début de l’eucharistie lorsque nous nous reconnaissons pécheur, et encore une fois juste avant d’aller communier, lorsque nous nous déclarons indigne de le recevoir. « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et je serai guéris ». Ce sont ces mots-mêmes dans notre bouche qui tissent le vêtement attendu, celui qui fait honneur à l’invitation du Seigneur qui veut se donner et faire alliance avec nous. Amen.