20e dimanche du temps ordinaire C – 14 août 2022
Jr 38, 4-6.8-10 – Ps 39 (40) – He 12, 1-4 – Lc 12, 49-53
Homélie du P. Franck Gacogne
Ça marche du feu de Dieu ! Le « feu de Dieu » ! Voilà une expression qui est entrée dans le langage courant pour exprimer l’intensité, l’extraordinaire d’une situation. « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Jésus nous livre ici son désir le plus ardent : que nous puissions vivre en cheminant avec lui, c’est l’expérience des disciples sur la route d’Emmaüs. Vous vous rappelez, ils disaient ceci : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? » Jésus n’attends qu’une seule chose c’est que nous cherchions à toujours alimenter le feu de la Pentecôte, la flamme du baptême que nous avons reçue. La Parole de Dieu, son amour donné est un feu qui réchauffe, qui illumine, qui rassemble. Il y a des moments dans une vie, et ils sont propres à chacun, où on l’expérimente concrètement et intensément : pour certains, ce sera les JMJ, pour d’autres comme quelques paroissiens en ce moment : un pèlerinage à Lourdes, pour d’autres encore, une rencontre, un beau paysage. Comme Moïse devant le buisson ardent, ce feu-là ne dévore pas, il ne consume pas celui qui s’en approche. Le plus sûr moyen de ne pas risquer de laisser s’éteindre la flamme, c’est de l’alimenter par une foi vivante et engageante, mais c’est aussi d’en être témoin pour d’autres. Nous nous rassemblons le dimanche pour attiser la flamme de la foi, pour souffler sur les braises de notre baptême, pour que le feu de Dieu éclaire notre vie et lui donne du sens ; mais à la fin de la messe, nous sommes surtout envoyés pour porter cette lumière pour qu’elle brille autour de nous. Lors d’un mariage il arrive souvent que les mariés choisissent le passage de l’évangile de Matthieu où Jésus dit à ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde » et Jésus ajoute que cette lumière doit être mise en hauteur pour qu’elle brille, qu’elle illumine loin et soit visible de loin. « Vous êtes… » Prenons conscience que nous avons reçu la lumière qu’est le Christ, que toute notre vie, nous avons à devenir ce que nous avons reçu, et en même temps appelés à transmettre, à rendre visible. C’est l’un des gestes les plus marquant de la veillée pascale, lorsque nous transmettons la flamme que nous avons reçu d’un autre tout connaissant sa source, le Christ Vivant. Transmettre la flamme à quelques voisins ne diminue en rien celle que je porte. Alors qu’au contraire, la garder jalousement pour soi est le plus sûr moyen qu’elle finisse par s’éteindre et que personne alentour ne puisse m’aider à la rallumer.
La seconde partie de notre évangile est beaucoup plus difficile à comprendre. Jésus semble dire qu’il n’est pas venu apporter la paix, mais plutôt la division. Que devons-nous donc comprendre de cette affirmation très curieuse de Jésus ? Jésus se contredirait-il quand il nous dit aussi qu’il vient nous donner la paix nous laisser sa paix, comme nous le rappelons à chaque messe à la fin de la prière eucharistique ?
Il me semble qu’il ne faut pas confondre l’objectif et ses conséquences : Jésus sème bien la paix, c’est son objectif, mais en retour, il recueille la division. Il apporte la paix, mais elle engendre des clivages. Vous l’avez remarqué, tout l’évangile en est le récit : Jésus est empêché d’être prophète et de pouvoir accomplir des signes dans son propre pays, au milieu des siens, il sera lâché et abandonné par ses plus proches le soir du dernier repas. Que Jésus apporte la division ne semble pas être son but, mais le constat dépité qu’il observe et qu’il fait savoir.
Il arrive que vivre de sa foi soit incompris et engendre des divisions au sein de sa propre famille. Pourtant, le pape François nous met en garde pour que cela ne devienne pas un prétexte presque recherché voir même une fierté qui garantirait notre attachement à Dieu. Je regardais vendredi soir un film qui relate l’histoire du cardinal Lustiger « le Métis de Dieu » : toute sa vie il a été écartelé et s’est battu pour ne pas rompre le lien avec son père juif alors que lui-même se convertissait au catholicisme à 14 ans. Cette division lui était un poids et non pas une satisfaction.
Dans un entretien avec un journaliste, le pape François rappelle combien être chrétien, c’est être au cœur du monde, parmi tous, pour aimer et servir. Je le cite : « Si tu me demandais quelle est la plus grande déviation du christianisme, je n’hésiterais pas : c’est d’oublier que nous appartenons au peuple. […] Le rôle de l’Eglise est de servir Jésus-Christ pour rendre sa dignité au peuple, non pas en imposant ou en dominant, mais comme le fait le Christ, dans le lavement des pieds. » (Un temps pour changer, Flammarion 2020)
La division n’est pas un but, mais la conséquence éventuelle d’une vie donnée à servir. Car ce service peut ne pas être compris ou rejeté.
Fais de nous Seigneur des artisans de ta paix, pour que le feu de ton amour illumine nos vies et ce monde que tu aimes. Amen.