Solennité de l’Assomption de Marie C – 15 août 2022
Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab – Ps 44 (45) – 1 Co 15, 20-27a – Lc 1, 39-56
Homélie du P. Franck Gacogne
Chaque année le 15 août, nous lisons ces mêmes textes bibliques. Ils sont magnifiques. Mais comme prédicateur, je vous assure qu’il n’est pas facile de se renouveler pour ne pas se répéter. Alors, une fois n’est pas coutume, je vous propose cette année de nous mettre à l’écoute de Anne Lécu. Cette religieuse dominicaine a écrit il y a deux ans un magnifique ouvrage de spiritualité intitulé « À Marie ». Ce sont des lettres qu’elle lui adresse. Voici celle qu’elle rédige à Marie pour le 15 août.
« Chère Marie, le temps a passé. Et voilà qu’au milieu de l’été surgit cette fête dont on peine aujourd’hui à identifier le sens, sauf à être très pratiquant, ton assomption. La tradition orthodoxe, plus que d’assomption, parle de dormition pour signifier ce sommeil de la mort qui t’emporte Marie, en ton corps, directement chez Dieu. La dégradation de la mort, la pourriture, n’a rien pu prendre de ta vie, toute remise à ton Dieu. Et à nouveau, tu nous précèdes sur cette voie qui est largement ouverte pour tous, maintenant que la mort est morte.
Nous lisons aujourd’hui ce texte mystérieux de l’Apocalypse. […] Qui est la femme ? Est-ce toi Marie ? Est-ce la Création ? Est-ce le peuple hébreu ? Est-ce l’Église ? Toutes les interprétations sont possibles et justes. Tu as toujours été à la fois tout à fait unique, comme chacun de nous, et pourtant, tu as récapitulé dans ta vie le peuple d’Israël, et l’humanité sauvée. On t’a appelée la nouvelle Ève.
Ce qui est sûr, c’est que la victoire a eu lieu. Le ciel, ses anges et toute la création sont venus au secours de la femme, ainsi que les aigles et la terre elle-même car la terre aussi a été sauvée par la victoire de Jésus sur toutes les forces de mort. Le Dragon est perdu, quel que soit son nom, « accusateur » (satan), ou « diviseur » (diable). Il bouge encore, et nous en savons quelque chose, mais son combat est perdu.
Cette victoire, tu en partages la saveur dans la vie de Dieu, et sans doute intercèdes-tu pour nous, dans la gloire où tu te tiens. Je crois que tu parles de nous à ton fils, comme on parle de ceux qu’on aime à celui qu’on aime. L’intercession est une disposition du cœur dont tu es coutumière depuis si longtemps : déjà, à Cana, tu avais vu que le vin manquait et étais allé solliciter Jésus. Apprends-nous Marie, à prier comme toi, à présenter au Père non seulement nos soucis, mais avant tout ce monde, ceux qui nous sont proches et comptent sur notre prière. Apprends-nous à croire que la supplication est une arme plus puissance que toute autre pour changer le cours des choses.
Les mystères du Rosaire se terminent par la célébration de ton couronnement, dont bien sûr, nous ne savons rien. Permets, pour cette dernière lettre, que je te dise ce que j’en comprends avec mes mots.
Quel est donc le secret de ta gloire ? Quel est donc cet éclat dont tu resplendis jusque dans ton couronnement ? La gloire, ce n’est pas d’abord du brillant, c’est de la densité. Aussi, ta gloire, pour moi, c’est simplement la gloire de ta présence, discrètement pleine et entière. Quand tu lavais Jésus enfant qui s’était mis de la confiture partout ; quand tu essuyais ses larmes, ce matin où il était tombé en se faisant un gros bleu au front et que tu embrassais ce front en le consolant ; quand tu faisais cuire le pain dans ta maison de Nazareth ; quand tu allais porter un bouquet de fleurs pour les dix ans de mariage de tes amis de Cana ; quand tu aidais Joseph à poncer une table, ou que tu lui tenais l’échelle… tu étais là, absolument et pleinement là. Quand tu courus chez Elisabeth ; quand tu attendais à l’extérieur de la maison que Jésus sortît, et que tu vis un paralytique porté par ses amis, passés par le toit, en espérant secrètement que ton grand fils le guérît ; quand tu caressas ce petit âne, à l’entrée de Jérusalem, qui broutait des marguerites, sans se douter un instant qu’il servirait de monture au Roi des rois et Seigneur des Seigneurs, tu étais là. Cette gloire, tu la partages avec nous. Elle n’est pas réservée à quelques-uns, elle est la gloire de Dieu pour tous, depuis que le Père a choisi comme demeure pour son fils la chair du monde, la chair des hommes, une fois pour toutes. Comme toi, nous pouvons être là, présents au monde, aux autres à notre Dieu et par là à nous-mêmes. Chère Marie, aides-nous à trouver la saveur de cette présence entière et toute simple, infiniment simple, dans chaque instant qui nous est donné. Une vie pleine, fut-elle courte, ce n’est rien d’autre que cela.
Aussi, à l’heure de ta propre mort, tu es là. Tout entière recueillie dans la mort, sans partage ; tout entière recueillie dans l’amour de ton Dieu qui te ravit d’un coup de son amour éblouissant pour te faire partager sa gloire. À l’heure de notre mort, donne-nous d’être là, comme toi Marie tu le fus.
Te prendre dans ma maison m’a aidée à mieux te découvrir. Tu m’as entrainée dans le mystère de ta vie, unique, toi qui es tout entière comme nous et tout entière donnée à Dieu, et tu nous orientes tout entiers dans ce mystère qui nous attend : le partage de la gloire de Dieu. Intercède pour nous Marie, pour moi, pour ceux que j’aime, et pour toutes celles et ceux qui comptent sur toi et te prient bravement, pauvrement, comme un ami parle à son ami.
Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce
Le Seigneur est avec toi
Tu es bénie entre les femmes
et Jésus, le fruit de ton sein est béni.
Sainte Marie, mère de Dieu, prie pour nous pécheurs,
Maintenant, et à l’heure de la mort. Amen.