11e dimanche du temps ordinaire A – 18 juin 2023
Ex 19, 2-6a – Ps 99 (100) – Rm 5, 6-11 – Mt 9, 36 – 10, 8
Homélie du P. Franck Gacogne
« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ». C’est de cette façon-là que Jésus envoie en mission les 12 apôtres.
Dans sa première lettre aux chrétiens de Corinthe saint Paul leur fait une remarque. Il leur pose cette question : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » ou formulé autrement : « As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? » (1 Co 4, 7). Je pense que ce pourrais-être un bon sujet du bac de philo. Quand on y réfléchie deux minutes, on prend conscience… que nous avons tout reçus. Mais l’évangile de Matthieu que nous venons de lire nous invite à aller plus loin : Jésus nous demande de repérer ce que nous avons reçu gratuitement : ce qui n’a été acheté par personne ! Que pourrions-nous trouver ? La vie bien sûr, l’amour, l’attention, la confiance, le temps qui passe, l’espérance que nos proches portent sur nous, leur reconnaissance… la foi, etc…
Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais c’est précisément ce que nous avons de plus précieux et de plus essentiel, ce qui est vital, c’est cela que nous n’avons pas dû acheter ! Il se pourrait bien d’ailleurs que ce soit ce qui a la plus grande valeur pécuniaire qui soit le moins essentiel, et réciproquement. D’une certaine façon, c’est plutôt réconfortant, cela signifie que l’essentiel est donné à tous ! La vie, la foi ne s’achètent pas, elle se reçoivent. Ces quelques éléments que nous avons listés n’ont tout simplement pas de prix. « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ». Voilà pourquoi il nous est insupportable que ce don suprême qu’est la vie puisse ici ou là être monnayé par toute sorte de trafic, comme pour traverser la méditerranée ; il nous est insupportable que même parfois en Eglise, des abus d’autorité ou des attitudes d’emprises viennent gravement abîmer des vies et la foi de ces victimes.
La foi, notre relation à Dieu est en effet LE don gratuit éminemment précieux, parce qu’elle résulte de l’Esprit-Saint qui vient demeurer en nous car Dieu fait de chacun de nous le temple de l’Esprit (1 Co 3, 16-17). La foi, nous la recevons comme un cadeau, nous essayons d’en vivre, de la nourrir. Je ne sais pas s’il est possible de la transmettre, en tout cas nous ne sommes pas soumis à une obligation de résultat. En revanche, il nous est demandé de faire tout notre possible pour en témoigner et pour la rendre désirable : « vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement »
La foi n’a pas à se mériter puisqu’elle est grâce donnée à tous. La foi se reçoit par consentement, mais elle nécessite de prendre corps d’une façon toute particulière, singulière en chacun de nous, elle a besoin d’être nourrie, approfondie, toujours redécouverte pour nous faire grandir en liberté. Jésus veut nous faire comprendre que nous n’en sommes pas les propriétaires : la foi n’est pas un dû, elle est un don : « donnez gratuitement ». Cet évangile est un envoi en mission. Quand nous nous rassemblons pour célébrer l’Eucharistie et qui plus est encore pour professer notre foi, nous faisons mémoire du Christ Jésus que nous avons reçu gratuitement : « je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10, 10), mais si notre vie chrétienne s’arrête là, à la fin de cette messe, nous n’en aurons vécu que la moitié, un peu comme si nous voulions repartir en catimini avec un trésor bien précieux, mais bien caché ! « Donnez gratuitement », ou comme on l’entendait cette semaine à la messe, « que votre lumière brille devant les hommes » (Mt 5, 16)
Comment redonner quelque chose de la foi que nous portons ? Commençons par regarder ce que fait Jésus, il est par excellence celui qui a donné, tout donné ce qu’il avait reçu (Jn 15, 15), par ses paroles, ses actes, sa vie. Etre missionnaire, témoin de sa foi chrétienne, c’est d’abord se laisser toucher par la vie de Jésus dans les évangiles, savourer à travers le récit de ses rencontres ses attitudes, ses paroles pleines d’empathies et de considération. C’est ensuite avoir le désir de se faire son disciple, et c’est enfin vouloir conformer sa vie à la sienne.
Bien sûr nous vivons à une autre époque et les recommandations de Jésus qui envoie ses apôtres en mission sont à resituer et à interpréter. Mais ce qu’elles nous signifient sur le fond n’a aujourd’hui pas changé : Par l’expression : « allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël », Jésus nous recommande de ne pas faire cuchon dans un groupe de bien-pensants, mais de repérer qui est exclu, qui ne parvient pas à trouver sa place. En recommandant : « Proclamez que le Royaume des cieux est tout proche », nous pouvons dire et faire réaliser à chacun qu’il est un être unique aimé personnellement et infiniment par Dieu ; et je vous assure que c’est une nouvelle inouïe que beaucoup ignorent ! « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons », c’est être personnellement acteur de cet amour de Dieu en étant auprès de ceux qui vivent une détresse pour être la main, le geste qui soulage, la parole qui réconforte, ou le silence qui accompagne dans la compassion sincère.
Voilà le programme audacieux, mais magnifique que nous propose Jésus pour redonner gratuitement la foi que nous avons reçu. Belle mission à tous. Amen.