25e dimanche du temps ordinaire C – 18 septembre 2022
Am 8, 4-7 – Ps 112 (113) – 1 Tm 2, 1-8 – Lc 16, 1-13
Homélie du P. Franck Gacogne
Vous connaissez le jeu du « d’accord », « pas d’accord ». Alors voici 2 affirmations : Avec la foi chrétienne et l’évangile nous sommes assurés de recevoir de bons préceptes moraux pour notre vie ! La Bible est le mode d’emploi idéal pour savoir comment agir moralement au quotidien ! Je crois que beaucoup d’entre-nous pensons fermement cela au fond de nous. D’ailleurs quand les parents disent pourquoi ils demandent le baptême pour leurs enfants, beaucoup répondent lors des préparations que c’est pour recevoir des valeurs… Alors là, autant vous dire qu’avec le texte de ce jour, on ne sait plus à quel saint se vouer !
En effet voilà un passage d’évangile qui nous déroute et nous perturbe. Les paroles de Jésus iraient-elles à contre-courant de ce que nous cherchons à transmettre ? Oui, il y a comme un malaise, car Jésus fait l’éloge et donne en exemple un homme malhonnête. Il félicite le gérant qui détourne de l’argent. Jésus encense un escroc et même plus que cela, il nous demande de prendre exemple sur lui. Voilà bien de quoi perturber notre bonne morale chrétienne ! Non ? Mais si on essayait de regarder d’un peu plus près le comportement de ce gérant. En fait, il agit de deux façons très différentes : l’une avant d’être viré par son maître, et l’autre juste après l’annonce de son licenciement.
Je vous propose deux exemples concrets pour les illustrer : J’ai vu un jour dans un tabac-presse une femme qui, postée devant le comptoir dépensait son argent sans compter dans des tickets à gratter : cash, Jackpot, millionnaire, Bingo, que sais-je encore, elle enchaînait sans interruption et jusqu’à épuisement de son porte-monnaie les grattages et les achats de tickets : je me suis dis au fond de moi même : quel gaspillage inconscient !
Autre exemple : un autre jour, j’ai reçu un homme à la cure vraiment agacé et perturbé. Il me racontait que sa mère donnait sans compter son argent à une et même plusieurs associations, qui aident des familles surendettées, à gérer, à faire des choix pour ne plus être dans le rouge à la fin du mois. Cet homme voyait tout cet argent gagné par son père décédé que, selon lui, sa mère dilapidait. Et là, c’est lui qui me disait : quel gaspillage inconscient !
Je crois qu’il y a un peu de ces deux situations dans la parabole que Jésus nous propose aujourd’hui. Ces deux situations sont vécues successivement par ce gérant qui est d’abord renvoyé par son maître parce qu’il dépense un peu comme cette femme dans le tabac-presse ; mais ce même gérant est ensuite félicité par le maître pour son habileté. Il dépense à nouveau mais cette fois-ci en allégeant le fardeau des autres un peu comme cette grand-mère qui donnait aux associations, et en se faisant par la même occasion des amis pour l’accueillir.
On entend beaucoup parler du pouvoir d’achat ces derniers mois. En même temps, nous voyons bien que nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne et que pour beaucoup d’entre-nous, nous ne sommes pas si mal lotis. Raison pour laquelle nous pouvons ressentir cet évangile comme une parole culpabilisante qui nous heurte : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent »
Comprenons bien, dans la parabole de ce jour, Jésus ne condamne pas ceux qui ont de l’argent, bien au contraire, il nous demande même de l’utiliser, mais de l’utiliser habilement et intelligemment, c’est-à-dire au profit de ceux qui en ont le plus besoin, quitte même, si c’est dans ce but, à le faire par des moyens dont seuls les fils de ce monde ont le secret. Jésus veut attirer notre attention pour que notre argent ne parte pas en fumée, qu’il puisse avoir une utilité concrète pour venir en aide à ceux qui en manque. Il est nécessaire que cette aide ne soit pas distante comme pour se dédouaner et soulager sa conscience à moindre coût en disant : « j’ai donné ! » et se sentir quitte. Au contraire dans la parabole, ce geste occasionne des rencontres, des relations humaines d’estimes réciproques, d’amitié. Le maître félicite le gérant qui a remis des dettes mais qui a compris aussi que ce qui est important c’est d’avoir des amis sur qui compter. Les relations humaines sont tellement plus précieuses que l’accumulation de biens. Si c’est Dieu qui est représenté par le maître de la parabole, quels sont donc ses biens ? Ce ne peut être que son amour car c’est bien la seule chose que Dieu possède. C’est pour cela qu’il félicite le gérant dès lors qu’il ne fait plus partir cet amour en fumée, mais quand il décide enfin de le donner à ceux qui en manquent tant, se faisant ainsi aimer en retour. L’amour c’est la seule chose qui enrichit celui qui l’offre.
Enfin, par deux fois nous trouvons cette expression curieuse « d’argent malhonnête ». Certaines traductions parlent « d’Argent trompeur », trompeur, car la vraie valeur d’une personne ne se mesure pas à ses avoirs. Mais l’argent est dit trompeur à un autre titre : il semble promettre plus qu’il n’est capable de tenir. En réalité ce n’est pas l’argent qui nous trompe, c’est nous qui pouvons nous tromper à son sujet et si facilement le transformer en idole. L’argent peut devenir maître au lieu de rester serviteur.
Donne-nous Seigneur d’être de bons intendants, de savoir offrir l’essentiel : ton amour. Amen.