Fête du Saint Sacrement C – 19 juin 2022
Gn 14, 18-20 – Ps 109 (110) – 1 Co 11, 23-26 – Lc 9, 11b-17
Homélie du P. Franck Gacogne
Est-ce que quelqu’un sait comment on a l’habitude d’appeler ce texte d’évangile ? La multiplication des pains, on oublie parfois qu’il y a aussi des poissons.
Cet événement a probablement été unique, mais savez-vous combien de fois il est raconté dans les évangiles ? 6 fois ! C’est dire s’il a marqué les apôtres pour qu’ils aient eu autant de fois besoin d’en parler. 2 fois dans les évangiles de Marc et de Matthieu et une fois dans les évangiles de Luc et de Jean.
Pourtant ce qui a marqué les apôtres, ce n’est pas ce que l’on croit. Souvent, quand nous, nous écoutons ce texte, on est bluffé par les pouvoirs de Jésus qui multiplie des pains et qui est capable de nourrir une foule de 5000 personnes, non ? Jésus serait-il donc un magicien surpuissant ? Eh bien ce n’est pas du tout ce que les disciples pensent de lui car, à la vue de cette foule trop nombreuse, complètement démunis, ils lui demandent de renvoyer tout le monde. Et Jésus, au lieu de leur en mettre plein la vue, genre : « je vais vous montrer ce que je suis capable de faire », leur répond : mais « donnez-leur vous-même à manger ». Cela doit nous interroger sur ce que nous demandons à Dieu dans notre prière, méfions-nous, car si nous lui demandons l’impossible, il pourrait bien nous répondre « Allez-y ! », « donnez-leur vous-même à manger ! »
Dans ce récit, on voit bien que Jésus n’a pas l’intention d’assister cette foule, il ne veut pas qu’elle devienne dépendante. C’est pourquoi rien ne se réalise tant qu’une personne n’a pas commencé par apporter sa contribution, quelque chose de lui-même. Oui, rien n’est possible sans ces 5 pains et ces 2 poissons qui vont initier le partage. Dieu ne peut rien donner sans notre contribution, le Christ a besoin du concours de l’homme, ce que nous apportons est nécessaire au partage. C’est son Esprit qui transforme notre cœur pour qu’il porte, pour qu’il donne avec abondance. Jésus ne fait que développer et amplifier nos propres dons au profit de tous. Par la multiplication des pains, Jésus manifeste combien le peu de talent et de foi que nous avons, peuvent, dès lors qu’ils sont remis entre ses mains, porter du fruit tout autour de nous, être signe, être un vivant témoignage du Christ qui vit en nous. C’est ce que nous signifions lors des offrandes où nous présentons au Seigneur le pain et le vin, le fruit de la terre, de la vigne mais aussi du travail des hommes pour que par son Esprit, ils deviennent son Corps et son Sang, le signe de sa vie qui nous est donnée.
A l’eucharistie, nous ne sommes pas au spectacle pour venir assister à un miracle qui se produirait indépendamment de nous-mêmes. Non ! Le pain consacré est Corps du Christ à condition que nous le recevions pour le devenir nous-même : membre de ce corps qu’est l’Eglise. L’Eglise n’existe pas sans notre participation, elle n’existe pas sans notre présence réelle qui puisse répondre à la sienne.
Chers jeunes de l’aumônerie, dans la démarche que vous vivez aujourd’hui : baptême, communion ou profession de foi, vous apportez et vous présentez à Dieu non pas 5 pains et 2 poissons, mais vous lui présentez votre foi, votre désir de mieux le connaître, le prier, le servir. Vous « fête Dieu », vous faites la joie du Seigneur qui recueille entre ses mains ce que vous êtes et qui s’en réjouis, car cela lui suffit amplement pour en faire sa propre vie en abondance. Et cette vie que Dieu vous donne, vous en êtes à la fois les bénéficiaires mais aussi les distributeurs : « donnez-leur vous-mêmes à manger ». C’est-à-dire que les restes, le débordement d’amour que Dieu vous offre aujourd’hui est destiné à ceux que vous rencontrez afin que vous ayez l’audace par vos paroles, vos gestes, votre service, d’être témoin de la joie de croire en Jésus. Bonne route avec le Christ. Amen.