1er dimanche de l’Avent – 1er décembre 2024
Jr 33, 14-16 – Ps 24 (25) 4-5ab, 8-9, 10.14 – 1 Th 3, 12 – 4, 2 – Lc 21, 25-28.34-36
Homélie de Bernard Badaud
Le temps de l’Avent c’est le temps de l’espérance. Et, comme quelqu’un l’avait fait remarquer à l’occasion d’une journée paroissiale, l’espérance, c’est plus fort que les espoirs. Mais, il est bon et utile de prendre au sérieux les espoirs petits et grands qui soutiennent notre marche quotidienne. Comme le proclamait le Concile Vatican II dans la constitution Gaudium et Spes: « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. ». Ces espoirs humains sont comme des semences, des germes de cette grande espérance inaugurée par la naissance en notre monde du Christ Jésus. Il y a seulement deux jours un évêque libanais écrivait : « À un mois de Noël, le cessez-le-feu nous appelle à maintenir notre espérance chrétienne ». Voici donc que l’espoir d’une trêve dans les combats fait naître l’espérance de la Paix, avec un P majuscule, celle que nous entendrons encore proclamer par les anges dans le ciel de Noël : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »
Le poète Charles Péguy, tué en septembre 1914, met en scène l’espérance dans Le porche du mystère de la deuxième vertu. Il dit : « C’est d’espérer qui est difficile » et Péguy écrit, faisant parler Dieu : « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance. L’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera. Et en réalité c’est elle qui fait marcher les deux autres. Et qui les traîne, et qui fait marcher le monde. »
Et encore Joséphine Bakhita, née au Soudan Darfour, esclave. Benoît XVI la cite dans l’encyclique Sauvés en espérance : « Désormais, elle avait une espérance, non seulement la petite espérance de trouver des maîtres moins cruels, mais la grande espérance : je suis définitivement aimée et quel que soit ce qui m’arrive, je suis attendue par cet Amour. »
Et Edith Stein, juive devenue chrétienne sans rien renier de ses origines, « Elle a été capable d’expliquer l’espérance en laquelle elle a cru et à laquelle elle n’a pu donner un nom qu’après sa conversion : Jésus. ». Et aussi Etty Hillesum : « Je trouve la vie belle et je me sens libre. En moi des cieux se déploient aussi vastes que le firmament au-dessus de moi. Je crois en Dieu et je crois en l’Homme. La vie est difficile mais ce n’est pas grave ».
On peut encore penser à Martin Luther King. Son célèbre texte I have a dream : « Aujourd’hui, dans la nuit du monde et dans l’espérance, j’affirme ma foi dans l’avenir de l’humanité. Je refuse de partager l’avis de ceux qui prétendent l’homme à ce point captif de la nuit, que l’aurore de la paix et de la fraternité ne pourra jamais devenir une réalité. Je crois que la vérité et l’amour, sans conditions, auront le dernier mot. Je crois fermement qu’il reste l’espoir d’un matin radieux, je crois que la bonté pacifique deviendra un jour la loi. » Le moins qu’on puisse dire c’est que ces paroles n’ont rien perdu de leur actualité.
Dans ces temps où la vie politique semble devenue folle je pense aussi à une phrase de Léon Blum, juif, ministre de la troisième république, emprisonné par les Nazis, victime de l’antisémitisme. La veille de sa mort, parlant de la paix et du rejet de tous les totalitarismes, il écrivait : « Je l’espère et je le crois… je le crois parce que je l’espère. ».
Oui, le temps de l’Avent est le temps pour accueillir l’espérance, celle qui dépasse et accomplit nos espoirs. J’ai cité quelques figures, il y a en aurait bien d’autres. Mais nous pouvons rencontrer l’espérance à notre porte, dans notre rue. L’autre jour, je bavardais avec un jeune qui faisait la manche à l’entrée du métro Gare de Vaise. Il me racontait qu’il avait rendez-vous pour un travail… espoir de trouver un petit boulot… mais au-delà de cet espoir bien légitime j’ai compris que son espérance, c’était de retrouver sa dignité d’homme, ne plus être obligé de mendier. Et, pour moi, ce bref dialogue avait une saveur d’Évangile. Dans les évangiles de Luc et de Marc, on fait la rencontre de ce mendiant aveugle à qui Jésus permet de retrouver la vue. A la demande de Jésus, l’homme exprime son espoir : retrouver la vue. Mais au terme de la rencontre avec le Christ c’est bien davantage qui est donné au mendiant et que résume la déclaration de Jésus : « Ta foi t’a sauvé ».