Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

Toussaint – 1er novembre 2024

Ap 7, 2-4.9-14 – Ps 23 (24) 1-2, 3-4ab, 5-6 – 1 Jn 3, 1-3 – Mt 5, 1-12a

Homélie de Eric de Nattes

Tout part du cœur, notre organe spirituel si l’on peut dire, celui qui peut faire battre à l’unisson corps, âme, esprit. Je pense à notre pape qui vient de nous écrire une lettre sur le cœur, celui de Jésus.

            Heureux les pauvres de cœur. Heureux celui dont le cœur a encore de la place pour autre que lui, pour autre chose que le souci de lui-même. Un cœur où le « moi-je » n’occupe pas toute la place, qui attend un « tu » qui va lui parler et le faire palpiter. N’est-ce pas ton cœur, Seigneur Jésus, dont il question ici, Toi qui étais à « l’égal de Dieu et qui n’a pas retenu jalousement ce rang ». Toi dont le cœur est en dialogue avec ton Père, Toi dont le cœur a accueilli la multitude que nous sommes tant il était vaste, dans un amour au-delà de toute mesure. Un cœur de fils, car de qui peut-on dire qu’il est Fils du Très-Haut sinon de Toi seul ?

            Heureux les cœurs purs. Ceux dont le cœur ne se cache pas derrière des pratiques sociales ou religieuses observantes, mais dont les intentions profondes sont toujours contournées, rouées. Ceux dont les pensées ne sont que jugements et condamnations. Car tu nous l’as dit, Seigneur Jésus : telle est l’impureté, celle qui vient du dedans de nous, du cœur profond. Celui qui s’efforce, du milieu des vies fragiles et compliquées, de voir le bien qui est déjà à l’œuvre pour le faire grandir et s’épanouir dans le concret et les limites de chaque existence, oui, celui-là voit Dieu à l’œuvre pendant que l’autre chasse le mal à longueur de journée, sans voir que c’est son cœur qui est déjà contaminé. C’est Toi, Seigneur, le cœur pur qui a su saisir le désir de chacun de ceux que tu as rencontrés et l’accomplir jusqu’au salut.

            Heureux les doux. Les cœurs que la violence n’a pas contaminé. Un cœur que l’appétit de domination ne corrompt pas. Un cœur de serviteur qui se réjouit de la vie des autres, de les savoir vivants. Un cœur à qui le bonheur des autres n’enlève rien au sien, inaccessible à la jalousie. Un cœur comme celui-ci, on aime venir se réchauffer à son contact. On sait que la vie se dilate et retrouve sa joie à être à ses côtés. C’est le cœur de ta mère, Seigneur, alors que le tien, tout petit, battait encore en elle, dans ses entrailles de mère, lorsqu’elle visite Elisabeth, lorsqu’elle prend soin de Toi à Nazareth, lorsqu’elle te fait part du manque aux noces de Cana, lorsqu’elle est aux pieds de la Croix, ou encore lorsqu’elle est avec tes apôtres à la naissance de l’Église. Un cœur qui bat à l’unisson du tien, avec lequel on s’accorde lorsqu’on l’entend battre, comme le disciple bien-aimé sur ta poitrine. Oui, seule cette douceur fait entrer dans la terre promise du Royaume. Car cette terre-là, aucun violent ne peut s’en emparer. Ils en ignorent l’existence et le chemin.

            Heureux les miséricordieux. Heureux ceux dont les entrailles sont bouleversées face à la misère, la peine, la tristesse, l’affliction ou la maladie de l’autre. Celui du bon larron à tes côtés, Seigneur, au pire de l’abandon. Celui du centurion qui vient intercéder pour son serviteur, de la cananéenne prête à s’humilier pour la vie de son enfant. À plusieurs reprises, Toi-même, Seigneur, est bouleversé jusqu’aux entrailles. Oui, la miséricorde vient du plus profond du mystère de l’être qui entre en communion avec l’autre, dans sa détresse, sa douleur. Seul cet amour-là, indicible, mais communicable, peut nous ré-enfanter sans cesse à la vie. Seigneur, tu t’es livré à la miséricorde de ton Père, jusqu’au bout, Il t’a rendu à la vie par la puissance de l’Esprit.

            Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice. Tu as en horreur, Seigneur, une charité dévoyée, condescendante et ostentatoire, comme on la voit refleurir encore, et qui dissimule parfois bien mal un mépris de la plus élémentaire justice salariale et sociale, de la plus élémentaire redistribution des richesses. Cette charité-là enlève ce qui pouvait rester de dignité à celui à qui elle est octroyée. « On t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher humblement avec ton Dieu », disait déjà le prophète Michée. Et nous savons aussi avec Toi, Seigneur Jésus, que notre justice doit surpasser celle des pharisiens. Ouvrir un chemin de conversion pour que le pécheur puisse vivre.

            Heureux les artisans de paix. Oui, heureux sont-ils, celles et ceux qui, au cœur de conflits insolubles, ont trouvé des chemins nouveaux, inédits, pour installer une paix durable. Comment ne pas évoquer la réconciliation franco-allemande pour nos deux pays. Beaucoup l’ont payé au prix de leur vie, au Proche-Orient entre autres, nous leur rendons témoignage en cet instant. Et dans nos familles, nos couples, nos lieux de travail, heureux sont-ils celles et ceux qui sont devenus les humbles artisans qui, par des paroles, de petits gestes, certaines audaces, ont installé à nouveau la confiance et la paix. N’es-tu pas Toi-même, Seigneur, l’artisan de la paix, Toi qui as réconcilié le monde avec Dieu et fait d’Israël et des Nations, un peuple saint ? Comment oublier que la première salutation du Ressuscité à ses disciples est : « La paix soit avec vous ! » En entendant tout cela on peut comprendre qu’ils pleureront les hommes et les femmes des béatitudes. De joie parfois, comme Toi, Seigneur, lorsque tu exultas de joie face à la révélation du mystère du Père aux « petits ». Mais aussi des larmes de sang, lorsque tout semble submergé par la haine et la violence. Les Béatitudes sont comme l’écriture de l’icône du Christ Jésus, Lui dont nous n’avons aucun portrait. Et c’est bien ainsi, car nous pouvons le contempler par une multitude de visages qui ont reflété telle des béatitudes, les Saints du calendrier, et ceux de la porte d’à côté comme le dit le pape François. Car Jésus, c’est l’Homme véritable, l’Homme désiré par le Père, l’Homme venu de Dieu. Heureuse la multitude que nous fêtons aujourd’hui de celles et ceux qui ont incarné dans leurs existences ce visage de l’Homme venu de Dieu. Ils sont la joie et la fierté de l’humanité et la Gloire de Dieu aux mille reflets. Joyeuse fête de Toussaint à vous tous.