29ème dimanche du temps ordinaire – 21 octobre 2024
Is 53-10-11 – Ps 32 (33) 4-5, 18-19, 20.22 – He 4, 14-16 – Mc 10, 35-45
Homélie de Bernard Badaud
Dans la première lecture, tirée du livre d’Isaïe, il est question de celui qui « remet sa vie en sacrifice de réparation, du serviteur de Dieu qui se charge des fautes du Peuple.». Ce passage fait partie des grands textes de la dernière partie du livre d’Isaïe. Ce sont les passages que nous lisons au cours de la Semaine Sainte. Les biblistes ont nommé ces pages les « chants du serviteur ». Ils mettent en scène un personnage qui reste anonyme mais qui accepte de risquer sa vie pour l’amour de Dieu et de son peuple. Les chrétiens reconnaissent là une évocation de Jésus et de sa passion. Mais le fait que ce personnage ne soit pas clairement identifié permet de lui associer la multitude des résistants, des martyrs, et de tous ceux et toutes celles qui donnent leur vie par amour. Isaïe 42, 49, 50, 53.
Le petit passage de la lettre aux Hébreux souligne la proximité, la communion, de Jésus avec nous : « Nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses. » Tout naturellement ce regard porté sur le Christ nous amène à la dernière phrase de l’Évangile qui présente Jésus comme celui qui « donne sa vie pour la multitude ». Cette conclusion est précédée d’un dialogue vigoureux entre Jésus et deux de ses disciples. Voilà donc Jacques et Jean qui lorgnent les postes importants dans le futur supposé Royaume où Jésus régnera dans la gloire. Les apôtres feront d’ailleurs preuve d’une obstination certaine puisque même après la mort et la résurrection du Christ ils continueront à lui demander : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » C’est dans le premier chapitre du livre des Actes des apôtres. Mais aujourd’hui les deux comiques s’attirent cette réponse mystérieuse de Jésus : « Siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé. ». Mais de qui Jésus veut-il parler ? Qui sont ces gens dont la place est préparée à la gauche et à la droite de Jésus ? La réponse, à mon sens, est clairement donnée dans les 4 évangiles. Il suffit de lire :
- Marc 15,27 « Avec lui ils crucifient deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. »
- Matthieu 27,38 « Alors on crucifia avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche. »
- Luc 23,33 « Lorsqu’ils furent arrivés au lieudit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. »
- Jean 19,18 : « C’est là qu’ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. »
Cette unanimité des Évangiles ne fait que confirmer le véritable sens de la mission de Jésus : à l’heure ultime de sa vie les places d’honneur sont pour les réprouvés dont il a voulu partager le sort. Sauver ce qui est perdu. « Quand tu viendras dans ta gloire » disaient Jacques et Jean. Mais la gloire de Jésus c’est la croix !
Il m’est arrivé plusieurs fois de lire avec de bons chrétiens cette histoire des deux larrons Et ça donnait à peu près ceci : « Bon, d’accord, le bon larron qui se repend in extrémis ira au paradis… mais alors l’autre !!!… ». Et je voyais ces braves gens imaginer avec gourmandise le châtiment éternel auquel ne pourrait échapper le second bandit… Sinon, il n’y aurait pas de justice !
Le problème c’est que penser cela revient à mettre en échec la mission du Christ. Le « paradis », la vie éternelle ne sont pas une sorte de récompense pour bonne conduite ! C’est ce que proclame tout l’évangile : « Il s’est mis au rang des malfaiteurs », « Je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu ». « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs » etc…
Rappeler cela ce n’est évidemment pas encourager la délinquance mais c’est croire que seuls un regard d’amour et une parole d’amitié peuvent contribuer à sauver et que plus on a failli et plus on a besoin d’amour. Le pape François vient de désigner de nouveaux cardinaux, parmi lesquels Jean-Paul Vesco, évêque d’Alger, et il leur a écrit, entre autres : « Que le titre de “serviteur” (diacre) prenne de plus en plus le pas sur celui d’éminence ».
L’Église n’est fidèle au Christ que lorsqu’elle va au plus près non seulement des pauvres mais des coupables. Un diacre de Lyon, Bruno Lachnitt, qui est aumônier général des prisons, Jean Bosco, et Antoine Chevrier sont allés chercher dans la rue les jeunes dont personne ne voulait pour leur apprendre qu’ils étaient aimés de Dieu et leur ouvrir un chemin de dignité autrement dit une voie de Salut.