1er dimanche de Carême B – 21 février 2021
Gn 9, 8-15 – Ps 24 (25) – 1 P 3, 18-22 – Mc 1, 12-15
Homélie du P. Michel Quesnel
Il est beaucoup question d’animaux dans les lectures de ce premier dimanche de Carême. Le livre de la Genèse nous présente le récit de la fin du déluge, au moment où Noé et sa famille sortirent de l’arche, un déluge qui avait duré quarante jours. Dieu leur déclare : « Voici que moi j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : les oiseaux, le bétail, toutes les bêtes de la terre, tout ce qui est sorti de l’arche. » L’homme et les animaux : au début du livre de la Genèse, dans le récit de la création, ils ont été créés le même jour, le sixième.
Or, que faisons-nous de cette alliance établie par Dieu ? Le comportement des humains a pour conséquence que le règne animal périclite sur la planète, et que des espèces entières d’animaux sauvages disparaissent. Est-ce ainsi que nous la respectons ?
En illustration de cette alliance, lorsque Jésus va au désert pour y être tenté par Satan, également pendant quarante jours, Marc nous dit que Jésus vivait parmi les bêtes sauvages. Apparemment, cela se passe bien. Elles ne l’attaquent pas. C’est un moment d’épreuve pour Jésus, mais une certaine harmonie règne ; les anges qui servent Jésus contribuent à cette harmonie.
Depuis quelques mois, la télévision diffuse de nombreuses émissions sur la terre, notamment la planète sauvage. On nous y montre plein d’animaux à la surface du sol et au fond des mers. C’est absolument superbe. Mardi dernier, par exemple, je me suis encore régalé avec un documentaire britannique intitulé Une planète parfaite. Oui, la création est merveilleusement belle.
La violence y règne également : les animaux les plus forts dévorent les plus faibles pour se nourrir ; et, à l’intérieur d’une même espèce, la lutte entre les mâles pour dominer un territoire ou pour féconder une femelle est féroce. Quand nous regardons de telles images nous sommes renvoyés à la férocité humaine et aux luttes pour le pouvoir qui sont l’un des poisons des relations entre les humains. Nous ne sommes pas moins violents que ces animaux. L’écrivain russe Dostoïevski l’avait d’ailleurs remarqué. Il écrivait : « On compare parfois la férocité humaine à celle des fauves. C’est faire injure aux fauves. »
Oui, le monde sauvage nous apprend des choses. Il nous invite d’abord à contempler la beauté de la création et à la respecter. En mai dernier, nous avons fêté le cinquième anniversaire de l’encyclique Laudato Si’. Le Carême qui s’ouvre ne serait-il pas une bonne occasion de la relire ? Le diocèse de Lyon fait d’ailleurs des propositions dans ce sens avec le livret Joie de vivre, et l’application Laudato Si’ Challenge pour les jeunes.
Le monde sauvage nous renvoie aussi l’image de ce que nous sommes nous-mêmes, une race humaine violente, des gens qui sont toujours à convertir. Au chapitre 13 de l’évangile de Luc, Jésus commente un fait divers qui s’était produit aux environs de Jérusalem : l’écroulement d’une tour, à Siloé, qui avait fait dix-huit victimes. Et il en tire cet avertissement : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même » (Lc 13,5).
Se convertir : c’est bien à cela que Jésus invite les Galiléens aussitôt après son séjour de quarante jours au désert. Ayant lui-même été tenté, il connaît de l’intérieur toutes les tentations par lesquelles passent les humains. Il se rend compte qu’ils ne pourront profiter du règne de Dieu qui est tout proche que s’ils se convertissent : « Convertissez-vous, et croyez à l’Evangile. »
C’est cela que chacun de nous est invité à vivre pendant ce carême : une conversion véritable. Je n’ai pas la prétention de dire à chacun comment il doit faire, la conversion étant un acte éminemment personnel ; mais on peut indiquer quelques pistes qui tiennent compte de la conjoncture.
Une première : La planète est en danger. Nous en suçons les ressources bien au-delà de ce que la terre produit. Ne pourrions-nous pas consommer moins et consommer mieux ?
Une deuxième : La pandémie crée du malheur. De nombreuses personnes souffrent de l’isolement. Ne pourrions-nous pas nous rapprocher de celles qui sont seules, ne serait-ce que par des visites ou des conversations téléphoniques plus fréquentes ?
Une troisième : Des personnes frappées par des malheurs divers dans les pays d’où ils sont originaires migrent en Europe. Plutôt que de les craindre et d’avoir peur qu’ils ne fassent du tort à notre civilisation prétendument chrétienne, ne pourrions-nous pas leur tendre une main fraternelle ? Dans ce domaine aussi, le pape François nous interroge.
On pourrait en nommer une quatrième, une cinquième, et tant d’autres…
Dans le psaume 24 qui a suivi la première lecture, nous avons entendu chanter : « Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. » Oui, Seigneur, aide-moi à discerner les chemins de conversion que j’ai besoin de parcourir. Ne laisse pas le Carême qui s’ouvre être un temps comme les autres. Préserve-moi de l’insouciance et de l’indifférence vis-à-vis de mes frères.