3e dimanche du temps ordinaire B – 21 janvier 2024
Jon 3, 1-5.10 – Ps 24 (25) – 1 Co 7, 29-31 – Mc 1, 14-20
Homélie du P. Franck Gacogne
Vous connaissez bien mieux que moi la difficile réalité du marché de l’emploi : pôle emploi, période de chômage, de doutes, de recherches plus ou moins fructueuses, ressassement, lettre de motivation, job dating, entretiens d’embauche, périodes d’essai, CDD, que sais-je… Rien n’est jamais acquis ni garanti. C’est je crois encore plus aléatoire et périlleux quand on cherche à se reconvertir et que l’on voudrait vraiment changer de vie.
Il se trouve que l’évangile que nous avons entendu parle précisément de conversion et de recrutement. C’est Marc l’évangéliste qui nous présente Jésus avec le costume d’un DRH plutôt très singulier !
« Convertissez-vous et croyez à l’évangile » Voilà l’interpellation que Jésus lance et qui nous rappelle au passage ce qui nous est dit le jour de l’entrée en carême le mercredi où nous recevons les cendres sur le front. « Convertissez-vous », c’est-à-dire changez de vie ; et « croyez à l’évangile » c’est-à-dire, mettez toute votre confiance, votre foi en une Bonne Nouvelle : Dieu est avec nous. Jésus le dit d’un appel pressant, parce que « les temps sont accomplis ». En effet, le temps où, comme le dit la lettre aux Hébreux, « Dieu parlait par les prophètes » (He 1, 1) est maintenant dépassé, Jean-Baptiste en était le dernier. L’évangile annonce un temps nouveau qui maintenant s’accomplit : celui où Dieu se manifeste et se révèle entièrement et directement par son Fils Jésus. D’où cet appel pressant à tout lâcher pour changer.
Et voilà que la suite de l’évangile va nous en donner une illustration concrète. Les 4 premières personnes que Jésus appelle vont en effet vivre une véritable conversion en changeant de vie. Quel risque ! Voilà qu’ils ont un travail assuré et sans doute une vraie compétence dans leur métier de pêcheur sur la mer de Galilée. Ils travaillent en famille et pour leur famille à qui ils assurent ainsi une source de revenu. Que leur prend-t-il d’accepter de suivre quelqu’un qu’ils ne connaissent ni d’Adam ni d’Eve, qui leur propose un job pour le moins inattendu et non répertorié : devenir pêcheur d’hommes ! Que leur prend-t-il de vouloir ainsi tout plaquer : travail, salaire et liens familiaux pour cet inconnu et sans la moindre assurance ? Quels risques !
Mais quels risques aussi du côté de Jésus ! Il sait la mission si importante qu’il veut leur confier : celle d’être apôtres pour découvrir à ses côtés : Dieu qui se révèle à l’humanité comme sauveur et pour ensuite en être les témoins et les porte-parole partout dans le monde jusqu’au péril de leur vie. Une mission d’une telle importance nécessiterait assurément d’être confiée à des tribuns expérimentés, aguerris, doués d’éloquence. Eh bien non ! La méthode utilisée par Jésus semble aux antipodes de tout ce calcul, le casting est précipité et peu réfléchi, le critère d’embauche semble complètement hasardeux : Jésus passe par là, et choisi ceux qu’il voit ! Aucun test d’aptitude, aucun entretien d’embauche, ni même une période d’essai n’est demandée ! Il repère de simples pêcheurs et veut en faire des pêcheurs d’hommes ! C’est l’échec assuré : quel risque !
Voilà en effet un DRH qui sort de l’ordinaire : Jésus fait le pari que tout homme, toute femme peut être porteur de la Bonne Nouvelle. Parce que cette Bonne Nouvelle, l’Evangile, c’est tout autant la parole qu’ils devront porter par l’annonce du Royaume ; que ce qu’ils sont eux-mêmes : de pauvres pêcheurs, a priori bien incompétents en tout autre domaine, et pourtant, ce sont eux les premiers choisis par Dieu. La Bonne Nouvelle n’est pas qu’une parole à entendre, elle se donne aussi à voir, dans la personnalité inattendue de ceux qui la portent. Ces pêcheurs deviennent alors eux-mêmes Bonne Nouvelle pour tout le peuple, investis de la confiance du Seigneur parce qu’ils ont mis leur foi en lui.
Alors se marier, est-ce prendre des risques ? Oui bien sûr ! Le risque d’être amené à se convertir, à changer des choses dans sa vie avec l’autre, grâce à l’autre. Comme ces apôtres qui sont appelés et qui lâchent tout pour suivre Jésus, le pape François écrit que « s’engager avec l’autre de manière exclusive et définitive comporte toujours une part de risque et de pari audacieux. […] L’amour concrétisé dans le mariage contracté devant les autres […] est la manifestation et le gage d’un « oui » qui se dit sans réserves et sans restrictions. Ce oui signifie assurer l’autre qu’il pourra toujours avoir confiance, qu’il ne sera pas abandonné » (AL 132).
Chers amis futurs mariés, je crois qu’en demandant à Jésus de s’associer à votre engagement, vous répondez en fait à son appel à le suivre. Le sacrement du mariage vous manifeste qu’il vous donne sa vie sans réserve pour vous mettre en capacité de faire de même entre vous. Chers amis futurs mariés, merci, parce que votre alliance est une bonne nouvelle, vous devenez bonne nouvelle pour chacun de nous ici rassemblés, car vous manifestez à nos yeux l’Alliance que Dieu désire sans cesse réaliser avec chacun d’entre-nous par amour. C’est je crois le verset le plus important de l’évangile de Jean qui nous l’affirme : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… » (Jn 3, 16) Amen.