25ème dimanche du temps ordinaire – 22 septembre 2024
Sg 2, 12.17-20 – Ps 53 (54) 3-4, 5, 6.8 – Jc 3, 16-4,3 – Mc 9, 30-37
Homélie de Bernard Badaud
L’autre jour, quelqu’un est venu me demander si je croyais à l’enfer. Ce n’est pas mon sujet de prédilection et je lui ai d’abord demandé d’où venait qu’il se pose cette question. Il m’a répondu en me parlant des guerres, des injustices et de toutes les horreurs dont les hommes sont capables. Il y avait aussi des grosses blessures dont il a été victime de la part de proches. Après l’avoir écouté je lui ai dit que, moi, je croyais surtout en Jésus et que je pouvais difficilement imaginer que le Dieu révélé par Jésus décide d’envoyer des gens en enfer.
Et puis j’ai lu et un peu médité les textes de la parole de Dieu aujourd’hui. Et il m’a semblé y repérer – quelle horreur ! – quelques reflets des flammes de l’enfer :
- 1ère lecture au livre de la sagesse : « Attirons le juste dans un piège… Soumettons-le à des outrages et à des tourments… Condamnons-le à une mort infâme. »
- 2ème lecture la lettre de St Jacques : « la jalousie et les rivalités… les guerres… les conflits entre vous… tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes… Vous êtes pleins de convoitises… vous tuez… vous êtes jaloux…vous entrez en conflit et vous faites la guerre. »
- Et… jusque dans l’Évangile : « ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. ».
Alors je me suis dit qu’il n’y avait pas besoin d’imaginer que Dieu ait pu inventer l’enfer, les hommes s’en chargent très bien. Et ce n’est pas une option pour après la mort mais une réalité très actuelle. Or, précisément, Jésus le Christ vient affronter et combattre ce mal, cet « enfer » entre guillemets dans lequel s’enferme et se débat notre humanité. Il le fait d’abord en ne se dérobant pas à la méchanceté, à l’injustice : c’est ce qu’il tente d’expliquer à ses disciples dans l’évangile d’aujourd’hui : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. ». Jésus sait que pour vaincre le mal, il faut oser l’affronter en face.
Mais la lutte est difficile. Je me souviens d’une homélie d’un moine de Tamié qui disait « Dans la foi de l’Église nous affirmons que le diable est englouti dans les eaux du baptême mais l’animal sait nager, le combat continue ». Nous en avons la preuve dans cet évangile : sourds aux annonces de Jésus à propos de sa mort et de sa résurrection, les apôtres se chamaillent : « Qui d’entre eux est le plus grand, le plus important ». Et les voilà embarqués dans une infernale (si vous voulez bien me passer l’expression) lutte de pouvoir. Brûler de jalousie, être dévoré d’envie, rongé de rancune ou de rancœur… les voilà bien les tourments de l’enfer !
Alors Jésus sort l’arme fatale : il appelle un enfant… Comprenons bien qu’au temps de Jésus, il n’est pas question d’enfant roi… bien au contraire ! Celui que Jésus place au centre, c’est le plus fragile, l’inutile, ce qui n’a pas (pas encore en tout cas) d’intérêt économique, dépourvu de puissance. « Au temps de Jésus, les enfants sont objet de mépris, de rejet de la part des adultes. D’une part ils sont des bouches à nourrir dans un monde où règne la pauvreté, d’autre part, ils sont encore ignorants de la Loi de Moïse, on les traite donc comme des hors-la-Loi ». Et Jésus ose dire : accueillir ce moins que rien, c’est accueillir Dieu… et c’est ainsi que vous pouvez échapper à l’enfer. Là il n’y a rien à envier, rien à jalouser, rien à redouter. C’est pure grâce. Emmanuel Mounier ne disait pas autre chose devant sa petite fille handicapée : « une infinité de mystère et d’amour qui nous éblouirait si nous le voyions face à face. »
Comme l’écrit le pape François en introduction au Jubilé de 2025 intitulé L’espérance ne déçoit pas : « Il faut prêter attention à tout le bien qui est présent dans le monde pour ne pas tomber dans la tentation de se considérer dépassé par le mal et par la violence ».