30e dimanche du temps ordinaire C – 23 octobre 2022
Si 35, 15b-17.20-22a – Ps 33 (34) – 2 Tm 4, 6-8.16-18 – Lc 18, 9-14
Homélie du P. Franck Gacogne
J’aime l’assemblée du dimanche quand elle est constituée de personnes diverses par l’âge, la profession (ou la non-profession), le milieu social, le pays ou la culture d’origine… nous ne nous sommes heureusement pas choisis et sans doute que pour la plupart d’entre nous nous n’avons que deux points en commun : 1. celui d’être baptisé, d’avoir le désir de nous rassembler pour prier ; 2. celui d’habiter à proximité. Mais notre assemblée, je l’aime encore plus, quand chacun est capable de se réjouir de la présence de l’autre et de ce qu’il est dans sa différence, dans sa manière de prier, dans ses idées (On le voit, c’est la difficulté pour le pharisien d’accepter la présence du publicain dans le temple). Oui, notre assemblée est belle quand chacun veut se réjouir de ce membre du corps, (comme le dit magnifiquement St Paul), qui ne prendra sans doute pas le même rôle que moi, qui n’aura pas la même fonction, mais qui, en raison de cette différence, viendra compléter ce que je ne suis pas, ce que je n’ai pas, ce que je suis incapable d’être ou de faire. L’autre est un membre indispensable du corps auquel je participe, pour que ce corps ne soit amputé d’aucun de ses membres. Vous le savez, St Paul compare L’Eglise à un corps dont la tête est le Christ. Si l’eucharistie ne rassemble que des semblables qui se choisissent dans l’entre-soi alors cette assemblée n’est plus l’Eglise voulu par le Christ.
Les deux hommes qui viennent prier au Temple dans notre parabole sont tous les deux des croyants, mais il y en a un dont la prière consiste à exclure l’autre du corps. Je crois que cet évangile nous interroge sur la vraie prière : quelle est ma manière de prier ? Prier, ce n’est jamais se comparer, se différencier ou de démarquer d’autres croyants en leur faisant face pour les défier, ou en leur tournant le dos pour les ignorer. Non, prier, c’est toujours se tourner vers Dieu, seul ou ensemble. Voilà pourquoi dans une église, nous sommes toujours orientés vers la table de la Parole et celle du pain partagé, mais nous sommes aussi tournés les uns vers les autres quand c’est sa paix que nous nous donnons.
Regardons la prière des deux personnages de la parabole : Le pharisien commence par rendre grâce, ce qui est un excellent début pour prier. Mais le problème, c’est qu’il rend grâce et remercie Dieu non pas pour ce qu’il reçoit de lui ou ce qui lui arrive dans sa vie, mais il rend grâce pour ce qu’il est lui-même, heureusement pas comme les autres ! En fait, sa prière est autocentrée, il ne demande rien à Dieu parce qu’il est convaincu d’avoir déjà tout fait, d’être en règle envers lui-même, envers les autres et envers Dieu. Autrement, dit, il prend la place de Dieu en jugeant lui-même qu’en lui, tout est parfait et accompli. Cet homme est satisfait de lui-même et suffisant. Et comme si cela ne suffisait pas de s’auto-justifier ainsi devant Dieu, il dénonce derrière lui le publicain qu’il n’estime pas à la hauteur. Bien qu’à n’en pas douter ce soit un homme moralement très droit, il y a une double erreur dans son expression et son attitude : 1. celle de se prendre pour Dieu dont il n’attend qu’une validation de sa bonne conduite, et 2. celle de dénoncer les autres, ceux qui ne sont pas comme lui.
Le publicain quant à lui a compris que la prière était une relation quémandée et désirée avec Dieu. Devant lui, il commence par s’abaisser en se reconnaissant pécheur. Ce n’est pas pour rien si dans l’eucharistie il nous est proposé de commencer par cela : se reconnaître humblement pécheur. Ce n’est pas se flageller devant Dieu, c’est bien plutôt le laisser nous saisir par la main pour comme le fils qui s’était éloigné, laisser le père nous embrasser et nous revêtir de la dignité des enfants de Dieu. Prendre l’attitude humble de se reconnaître pécheur, c’est le plus sûr moyen d’éviter l’attitude du pharisien qui n’espère pas cette dignité comme un don inattendu, mais qui se l’octroie lui-même comme un dû.
La foi consiste à vouloir fonder notre vie sur le Seigneur et non pas à nous présenter devant lui pour qu’il constate le bien que nous avons pu faire. Celui que Jésus nous désigne comme « juste », c’est le publicain qui s’est ouvert à Dieu pour que la puissance divine puisse venir le rejoindre et agir en lui. N’ayons pas peur de laisser le Seigneur toucher nos fragilités. Dieu n’attend pas de bons élèves ou des parfaits se présenter devant lui, il n’espère que d’humbles serviteurs, en désir de son amour dont la surabondance dépasse et comble tous nos manquements. Le pape François aime à dire que « l’Eucharistie n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles » (EG 47)
Seigneur, donne-nous de désirer mettre en œuvre dans notre vie cette attitude du croyant qui tend les mains pour que tu les emplisses de ton amour. Amen