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Messe de la nuit de Noël – 25 décembre 2024

Is 9, 1-6 – Ps 95 (96)1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a – Tt 2, 11-14 – Lc 2, 1-14

Homélie de Éric de Nattes

Auguste d’un côté : l’Empereur, celui qui ordonne à tout un empire, et qui déplace ainsi des centaines de milliers de personnes. Il a ses relais pour se faire obéir : un gouverneur et l’administration de l’empire. C’est l’ordre politique et économique. Avec le danger constant pour l’homme de se prendre au jeu du pouvoir et de se diviniser, de prendre pour Dieu. Les empereurs romains n’y ont pas échappé. Les choses ont-elles beaucoup bougé de ce côté là…

Jésus de l’autre côté : un enfant qui naît au milieu de la tourmente entouré d’un homme et d’une femme. Il n’a, lui, aucune capacité d’ordonner ni de se faire obéir. Il remet juste le cœur à l’endroit, car dans sa fragilité, il est la vie qui sollicite l’amour, la bienveillance, le don de ceux qui l’entoure. Ici c’est Dieu qui vient en l’homme. Il n’a pas besoin de faste et d’agents impériaux : il est la vie et sans la vie, rien ne peut-être. Il est donc tout à la fois la seule et vraie puissance sans laquelle rien ne peut être, mais aussi la plus extrême fragilité : voilà notre Dieu ! Tant que la vie fragile touche notre cœur, alors Dieu a encore une chance d’être présent en nous et de nous toucher.

Voilà comment il peut remettre le cœur à l’endroit. N’est-ce pas ce que nous sommes venus fêter ce soir ? Avant le bon repas qui va rassembler la famille, l’humble pain partagé de Celui qui voudrait rassembler l’humanité en une famille, celle du Père qui l’a engendré et qui nous le donne. Son Fils, son Bien-Aimé, en Lui, il nous donne tout !

Face à un enfant : deux gestes qui viennent comme naturellement :

1°) Se pencher, se mettre à genoux, descendre… pour embrasser, jouer, caresser une joue, dire quelques mots d’amour… Aucune condescendance dans ce geste. Le mouvement de l’amour qui sait d’instinct qu’une vie naissante est fragile, qu’elle ne peut subsister sans protection, qu’elle a besoin de la relation pour grandir. Dans cette relation, ce lien, cet attachement, c’est une alliance qui naît, dont nul ne sait où elle va nous entraîner (Je suis avec toi, fais confiance) : c’est le chemin de la vie elle-même.

Dieu ne fait pas autre chose avec nous : il quitte ce Ciel où nous le placions, en surplomb de nous, pour venir dans notre condition la plus fragile. Mouvement d’amour, mouvement d’alliance, pour notre vie à nous !

2°) Prendre l’enfant dans ses bras pour l’élever jusqu’à soi. L’enfant porté jusqu’au visage de l’adulte et même sur les épaules de son père. Comme pour lui dire jusqu’où il est appelé à grandir. Là encore, pas d’impatience, mais l’instinct qui montre à la vie naissante le chemin de sa croissance et fait naître l’espérance. On ne grandit pas sans un horizon qui nous attire et nous met en route. Dieu nous hisse jusqu’à Lui : « Le Fils de Dieu s’est fait ce que nous sommes, pour qu’en échange, nous devenions ce qu’il est » dit Saint Irénée.

Les bergers, premiers appelés à reconnaître ce signe. Ils sont les « impurs » dans la société de l’époque car ils vivent essentiellement dans la nature, près des animaux. Mais ils sont les bergers qui savent veiller sur le troupeau et qui savent se réjouir de la vie mise au monde. Alors ils sont appelés les premiers à se réjouir. Ils peuvent encore voir et se réjouir. Le pouvoir, l’argent, la possession n’ont pas encore érodé leur émotion face à la vie qui traverse cet univers, à la nuit immense et étoilée, leur capacité à ressentir l’invisible au cœur de la matière. Ils devinent que là est le trésor qu’on ne se donne pas, qu’on reçoit, ni que personne ne peut acheter. On ne peut que veiller dessus, amoureusement.

Frères et sœurs : nous voici invités à être les bergers les uns des autres, à veiller sur l’enfant du Père qui naît doucement en chacun de nous ! Ne soyez pas fascinés par Auguste. Au contraire, lorsque les vents deviennent de plus en plus mauvais, remettez-vous le cœur à l’endroit. Sachez où vous êtes vraiment vivants, où vous devenez vraiment humains, là est Dieu. Soyez les bergers attentifs de ces relations vivantes, ne les laissez pas filer, vous perdriez tout.

Gloire à Dieu, Paix aux hommes sur la terre !