Solennité du Christ Roi – 24 novembre 2024
Dn 7, 13-14 – Ps 92 (93) 1abc, 1d-2, 5 – Ap 1, 5-8 – Jn 18, 33b-37
Homélie de Eric de Nattes
Pas facile de soumettre Jésus à un interrogatoire. Pilate semble tellement tenir à lui faire dire qu’il est le roi des juifs ! Et ce n’est pas illogique. Cela lui permettrait d’humilier les juifs et surtout les Grands-Prêtres. Pilate les déteste. Il est obligé de composer encore avec leur pouvoir. L’État Hébreu a encore un semblant de pouvoir. Il n’est pas encore une province romaine comme ce sera le cas dans quelques années après la destruction du Temple, précisément. Pilate rêve tellement de les humilier en posant sur la croix qui clouera ce doux rêveur un écriteau : « voici le roi des juifs ».
« Es-tu le roi des juifs ? Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Comme tout pouvoir politique, Pilate a sa police secrète, ses indics. Il sait bien que Jésus n’est pas un fichier S. Qu’il n’est pas un meneur de bande armée, un séditieux. Rome ne craint pas grand-chose avec lui. Alors aujourd’hui, j’ai juste envie de faire résonner la question en retour de Jésus, je veux dire, ce qu’elle contient d’éternel, cette question, pour tout homme qui se réclame de lui : « Et toi, aujourd’hui, qui fête ma royauté, dis-tu cela de toi-même, ou bien parce qu’un calendrier liturgique te l’a dit ? M’as-tu choisi, vraiment, dans ta vie, personnellement, comme roi ? Est-ce à dire que pour toi, je suis vraiment l’autorité qui guide ta vie ? C’est effectif ? Réel ? Pourrais-tu me dire comment cela se manifeste dans ta vie, dans tes choix, tes paroles, tes actes ? Est-ce que tu prends le temps de m’écouter, et de regarder comment j’exerce ma royauté ? As-tu bien compris quelle est la royauté que j’ai fui quand les hommes ont voulu m’introniser ? « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? ».
« Les Grands-Prêtres t’ont livré à moi, qu’as-tu donc fait ? Ma royauté n’est pas de ce monde. » Jésus exerce donc bien une royauté, mais elle ne peut pas être contenu par la logique du pouvoir en ce monde : logique de la domination. Les Grands de ce monde aiment faire sentir leur pouvoir… Et toi… es-tu prêt à exercer une royauté de service ? Service de la vie sous toutes ses formes. Pas uniquement ce que tu auras choisi. La vie fragilisée, en danger. La vie qui réclame ton attention, ton soin, ton accompagnement, ta présence. As-tu foi ? Crois-tu, comme moi en cet instant, que la vie se reçoit d’un autre. Du Père. Qu’il est bien tout-puissant de vie, et qu’il s’est dévêtu de la domination qui conduit presque à la mort. Qu’il ne veut en aucun cas ta soumission, mais que tu deviennes fils, fille. Alors, mon Père est-il aussi vraiment ton Père ? Dis-moi ce que cela veut dire pour toi ? Tu veux que nous demeurions ensemble ?
« Alors tu es roi ? C’est toi-même qui dis que je suis roi. Je suis venu dans le monde pour témoigner de la vérité » La vérité qui fait consensus et qui met tout le monde d’accord d’emblée a quelque chose de suspect. La vérité – en tout cas celle dont témoigne Jésus – elle inquiète, et on y résiste. Elle est telle qu’il faut du courage pour la regarder et l’accueillir. Un homme humilié, conspué, lâché par tous ou presque, couvert d’infamie et condamné par les autorités religieuses, c’est lui qui a été attesté par Dieu ? Il est Seigneur ! Il est le chemin, la vérité, la vie. Nul ne va vers,le Père sans passer par lui. Passion, mort, résurrection. Un chemin vrai qui mène à la vie. Comment accueilles-tu cette vérité-là dans ta vie ? Comment vis-tu les morts, les échecs, les dépouillements, les humiliations que tu traverses dans la vie ? Apprends-tu à les relier à mon mystère de vie ? Ou bien les critères de réussite du monde sont-ils ceux qui te guident ?
La Croix, signe d’humiliation et d’échec, signe de la domination qui semble mener le mener le monde. La Croix, signe de la vie qui s’est donnée jusqu’au bout, dans un jusqu’au bout abyssal, celui du sang versé. Signe de l’amour qui ne peut être vaincu puisque c’est lui qui se donne. Telle est la gloire du Fils, attesté par le Père.