7e dimanche de Pâques C – 29 mai 2022
Ac 7, 55-60 – Ps 96 (97) – Ap 22, 12-14.16-17.20 – Jn 17, 20-26
Homélie du P. Franck Gacogne
Nous avons lu les derniers versets du dernier chapitre du dernier livre de la Bible : l’Apocalypse de saint Jean au chapitre 22. Et au lieu de voir s’inscrire « fin » comme dans la plupart des films, nous voyons s’inscrire « à suivre ». Au lieu d’entendre dans ces derniers versets que tout a été dit, que tout est achevé et que notre histoire et celle de Dieu sont accomplies, nous entendons au contraire une demande et l’expression d’un désir : « Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! ». Quel paradoxe : nous venons de signifier son départ vers le ciel par la fête de l’Ascension et voilà déjà qu’il nous manque, que nous appelons son retour ? Tout n’est donc pas terminé ? « Viens, Seigneur Jésus ! », nous trouvons cette demande dans la liturgie au moment de l’anamnèse. Vous savez, ce refrain que nous prenons tout de suite après le récit de l’institution et l’élévation de la coupe. Nous l’appelons anamnèse (faire mémoire), mais ce n’est pas très juste de l’appeler ainsi, ou du moins ce n’est pas suffisant. Car il y a dans ce refrain trois étapes, trois affirmations. Mais avant cela, il y a d’abord une introduction normalement dite ou chantée par le prêtre affirmant que dans ce récit de l’institution de l’Eucharistie, il y a tout le « mystère de la foi » : « Il est grand le mystère de la foi », ou bien « acclamons le mystère de la foi » ou encore « qu’il soit loué le mystère de la foi » selon le dernier missel. Et l’assemblée alors dit ou chante une réponse en trois étapes : La première en effet fait anamnèse, elle fait mémoire de la mort de Jésus : « Jésus, Messie humilié, nous rappelons ta mort sur une croix ». La deuxième étape affirme et manifeste qu’il est aujourd’hui le Ressuscité : « Jésus, Messie victorieux, nous célébrons ta résurrection d’entre les morts », et la troisième étape manifeste que nous attendons sa venue : « Jésus, Messie triomphant, nous appelons le jour de ta venue dans la gloire ». Nous exprimons ainsi l’alpha et l’oméga, nous affirmons son action de salut pour nous, qui est passée, présente et à venir. Nous sommes parfois surpris de cette demande : « Viens, Seigneur Jésus ». Pourquoi faudrait-il qu’il vienne de nouveau ? Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire que d’attendre la venue du Christ, et l’attendons-nous vraiment ?
Il y a dans cette demande un présent : sa venue aujourd’hui, et un futur : son retour que nous attendons. Le présent, c’est celui que nous exprimons quotidiennement dans le Notre Père : « que ton règne vienne ». Et nous savons que quand nous prions, nous demandons à Dieu de nous mettre en capacité d’accomplir ce que nous demandons. Autrement dit, il dépend des baptisés de manifester le Royaume de Dieu au milieu de nous, de contribuer à le reconnaître et à le mettre en lumière en sachant lire les signes des temps puisqu’il est déjà là. Le futur, c’est le retour du Christ lui-même ; non pas comme à la crèche le jour de Noël, mais plutôt comme au jour de la transfiguration, dans la Gloire du Père, manifesté comme Fils de Dieu. Les premiers chrétiens attendaient ce retour qui signifiait la fin du monde d’une façon imminente, puis ils ont pris conscience que la résurrection du Christ en était déjà l’inauguration. Ce retour est à mettre en lien avec l’affirmation du Credo « il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts », c’est-à-dire pour nous ajuster à Lui (c’est cela le sens du jugement), pour récapituler toutes nos vies dans la lumière fulgurante de son amour. Vous savez, c’est l’une des expressions préférées de Saint Irénée : la récapitulation. C’est à dire le rassemblement par le Christ au dernier jour de tous les hommes dans son désir qu’ils soient tous sauvés. Je crois que c’est comme cela qu’il faut comprendre le retour du Christ : pouvoir communier à la Gloire de Dieu. « Viens, Seigneur Jésus ! ». Ce retour du Christ la lettre aux Hébreux l’a très bien exprimé jeudi dernier pour la fête de l’Ascension avec ces mots : « ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent. » (He 9, 28)
« Viens, Seigneur Jésus ! », « Marana tha ! » en araméen. Viens Seigneur faire notre unité en toi puisque c’est ton désir le plus ardent : « que tous, ils soient un ». Mais l’unité est à la fois un don à recevoir et une mission à accomplir chaque jour. Que ce désir brûle notre cœur. Amen.