
4ème dimanche de Carême – 30 mars 2025
Jos 5, 9a.10-12 – Ps 33 (34)2-3, 4-5, 6-7 – 2 Co 5, 17-21 – Lc 15, 1-3.11-32
Homélie de Bernard Badaud
1 – Du bon usage du sacrement du pardon ou « confession
Une citation entendue vendredi soir au concert de Carême qui était proposé à la paroisse : « Le Carême ! A peine avons-nous prononcé ce mot que nous pensons : faire des efforts, des privations, tenir des résolutions… Un Carême qui part de nous pour aller à Dieu, au lieu de partir de Dieu pour aller à nous. Car le Carême, c’est laisser la Vie et la joie de Dieu nous envahir, nous traverser et nous transformer, pour qu’elle se répande autour de nous. ». Regardons le Père de la parabole : Il est totalement dans l’accueil inconditionnel… C’est à peine s’il laisse finir sa phrase à son fils repentant. Il le guettait, il court à sa rencontre. C’est ainsi que nous pouvons nous approcher du sacrement du pardon. Personnellement j’ai toujours trouvé un peu suspect ce besoin d’énumérer, de comptabiliser les fautes. Imagine-t-on le père de la parabole demander à son fils de lui fournir les factures de ses dépenses ou la liste des lieux de plaisir qu’il a fréquenté ? On demandait à Ste Thérèse de Lisieux « Que ferais-tu si tu avais trahi Jésus comme Judas ? » Réponse de Thérèse : « J’irais me pendre… à son cou ! ».
2 – Mais l’histoire du fils prodigue n’est pas seulement une affaire de conversion personnelle. Il y a aussi une dimension communautaire, collective. C’est tout à fait clair dans l’introduction que donne St Luc : D’un côté les publicains et les pécheurs (les fils prodigues), de l’autre les pharisiens et les scribes (les fils aînés). Je suis tombé cette semaine sur un gros titre du journal La Croix « Donald Trump promet aux Américains de satisfaire leur désir de jouissance ». En latin, il y a le mot : cupiditas qui évoquait à la fois Cupidon, symbole du désir de jouissance, et la cupidité pécuniaire. En anglais c’est greed, l’avidité financière, gloutonnerie, rapacité. L’obsession de séduire, le « moi d’abord ». Alors, je me suis dit que le « fils prodigue », dans la première partie de la parabole, pouvait représenter en quelque sorte notre société qui cherche à satisfaire ses désirs de jouissance (et non pas ses besoins) sans se soucier ni de l’avenir des futures générations, ni des pauvres du temps présent. Dans cette perspective, dans notre contexte actuel, la conclusion heureuse de la parabole qui présente l’humble retour du fils et sa joyeuse réintégration ne va pas de soi. Il pourrait tout aussi bien sombrer dans le désespoir et disparaître dans le néant. Qu’est-ce qui peut nous sauver de cela ? La parabole propose une issue. Cela passe par la conscience commune de notre filiation divine et la confiance en la miséricorde du Père. Autrement dit, seule la prise de conscience ou plutôt la reprise de conscience de la relation à Dieu comme Père de toute l’humanité et la conscience d’appartenir à la maison commune, comme le répète le Pape François, peut sauver notre temps de la désespérance… Pas vraiment le souci du fils aîné de la parabole ni de l’administration américaine actuelle ! Il y a du chemin à faire !
3 – Et enfin cette parabole m’a amené à cette question radicale : Pourquoi et comment rester chrétien ? Pour l’ancien évêque de Strasbourg, Joseph Doré, il n’y a qu’une réponse, qu’il a donné en titre au livre qu’il a écrit : « A CAUSE DE JÉSUS ! ». Lorsque je suis allé au Rwanda, j’ai rencontré un évêque et je lui ai parlé des amis Rwandais que je connais à Lyon. Sa question : Mais est-ce qu’ils sont restés chrétiens ? Dans l’esprit de cet évêque, notre société occidentale est à l’image de que le journal la Croix décrit de l’Amérique de Donald Trump. Et St Paul ne disait pas autre chose : « Leur dieu, c’est leur ventre, ils ne pensent qu’aux choses de la terre. » Comment donc rester chrétien dans un univers tellement matérialiste ? Réponse : en gardant les yeux fixés sur le Christ et en prenant part à la vie de l’Église qui est son corps. Témoigner de notre espérance en faisant vivre notre église. A Vaise, nous avons la chance d’être une communauté « multicolore » pour parler comme St Bernard qui décrivait ainsi ce qu’il appelait la « tunique du Christ » Mais c’est aussi une responsabilité. Il ne s’agit pas de rester renfrognés comme le fils aîné de la parabole ! C’est à chacun de participer selon ses possibilités à la vie de la communauté pour la rendre plus accueillante à tous, joyeuse et partager ainsi la joie du Père, la joie de l’Évangile.