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L’Epiphanie du Seigneur – 5 janvier 2025

Is 60, 1-6 – Ps 71 (72)1-2, 7-8, 10-11, 12-13 – Ep 3, 2-3a.5-6 – Mt 2, 1-12

Homélie de Éric de Nattes

Je retrouve toujours intact mon émerveillement devant les récits de l’enfance dans les Évangiles ! Comment peut-on écrire un récit qui parle au cœur des enfants (les crèches en attestent), puis qui devient interprétables pour les adultes en ouvrant toujours des portes ignorées à la compréhension du mystère de Dieu, pour nous remettre finalement dans le silence de l’adoration.

Car enfin, cette étoile, et à travers elle toute l’immensité du cosmos, ce ciel que les tous premiers savants de l’antiquité – les mages dans ce récit – observaient dans leur course régulière et leur lumière lointaine, ce ciel où les religions faisaient résider la divinité, ce ciel qui a pris avec la science moderne des proportions au-delà même du vertige et une durée qui nous est hors de proportion (plus de 13 milliards d’années), ce ciel désormais, par l’étoile, vient désigner la vie de cet enfant, dans sa fragilité, sur ce grain de sable qu’est notre terre nourricière. Comment mieux signifier que cette immensité, nous la portons en nous. J’aime quand la science se fait elle-même poésie en nous disant que nous sommes nous-mêmes poussière d’étoiles, que nous sommes tissés de la même matière que l’univers qui est notre matrice avec notre terre nourricière. Que dit le mystère de l’Incarnation dans notre christianisme ? Qu’on ne peut plus opposer de manière simple désormais la transcendance de Dieu d’un côté, le Tout-Autre comme on dit, et l’immanence de l’autre, notre finitude, la condition de l’homme et de toute la création. Les deux sont intimement liés. L’infini est en l’homme, dans le vivant que nous sommes, et la finitude est assumée en Dieu, qui lui est venu en notre chair. Alors oui, comme les mages, j’ai envie d’adorer ce mystère. De le contempler, de mieux comprendre comme il me fait aimer toujours plus Dieu le tout-autre et le tout-proche, de tout mon cœur, de toutes mes forces, et mon prochain comme moi-même, celui qui m’est tellement proche et pourtant tout-autre. J’ai envie de contempler l’immensité au cœur de la vie si fragile et finie. J’ai envie de pressentir combien ce mystère nous relie les uns aux autres, puis à tous les vivants, puis au cosmos lui-même, dans la communion du Christ, le Verbe de vie désormais livré en cet enfant. Les mages sont venus d’Orient, nous dit le récit, là où la lumière ne cesse de se lever sur l’obscurité de notre compréhension. Comme les mages, j’ai alors envie de me mettre en route moi-même et de cheminer vers la lumière d’une compréhension toujours plus vaste et toujours plus aimante de la vie.

« Où est le roi des juifs ? » J’aime l’humour assez féroce qui se dégage de cette question incidemment posée à Jérusalem, au cœur du pouvoir, là où se dresse le palais d’Hérode le Grand. S’il n’y a pas provocation, je ne m’y connais pas ! Lors de la veillée de Noël, c’était Luc qui avait placé en vis-à-vis l’empereur Auguste et Jésus. C’est aujourd’hui Matthieu qui confronte Hérode et Jésus. Là encore, comment mieux dire : « où est la véritable royauté pour chacun de vous ? » Où la reconnaissez-vous ? Dans un pouvoir politique qui n’est plus le garant du bien commun et de la vie, mais qui se divinise lui-même dans une toute-puissance qui engendre la mort ? Ou dans la vie qui se donne sans bruit. La vie sans laquelle rien ne peut être de tous nos beaux projets ? La question deviendra brûlante lorsque le roi monté sur un ânon entrera à Jérusalem. Qu’est-ce qui fait autorité dans vos vies ? Au service de quoi mettez-vous vos vies ? Voyez-vous la part royale de vos existences ? Et puis vient cette liturgie païenne, celle rendue à un nouveau roi avec les présents symboliques. On peut interpréter à l’infini ces trois présents. Peut-être puis-je en faire une lecture très existentielle.

Et si l’or représentait ce qui est précieux pour moi, ce qui a de la valeur, mais vraiment, pas simplement dans mes déclarations, mais dans mes actes très concrets de tous les jours. Je m’interroge devant l’enfant que tu es. Ce à quoi je donne du prix en a-t-il vraiment ? Je reviendrai souvent devant toi, Seigneur, petit enfant, pour que tu remettes mon cœur à l’endroit. Que tu m’enseignes à nouveau la vraie valeur de la vie.

Et si l’encens était ma prière qui s’élève vers toi ? Est-ce que je prends le temps d’entrer en moi-même pour être vraiment en relation avec Toi ? Est-ce que je prends le temps de me présenter devant Toi ? De Te dire mes inquiétudes, mes peurs, mes espoirs, ce qui me fait honte et ce qui me fait vivre, ce qui me réjouis et me rend fier ; bref, de porter vraiment tout mon désir devant Toi, pour que ma prière ne soit pas que phrases, mais ma vie que je dépose en la recueillant devant Toi. Alors peut-être entendrais-je Ta voix au creux de ma conscience.

Et si la myrrhe avec laquelle on embaumait les morts était l’image de ma finitude. Celle que tu es venu habiter de ta présence pour en chasser la peur. Va et vis. Fais confiance. Cette vie-là, celle si fragile mais qui se donne, nul ne peut te la prendre, aucun Hérode, ni Auguste, et la mort elle-même. Car elle vient du Père et lui ne reprend pas son don, jamais ! Sois son fils, sa fille.

Alors Seigneur, moi aussi, avec les mages, je pourrai prendre un autre chemin, le cœur à l’endroit, l’étoile au creux de ma vie, lumière qui chasse les ténèbres. Amen.