2ème dimanche de l’Avent B – 6 décembre 2020
Is 40, 1-5.9-11 – Ps 84 (85) – 2 P 3, 8-14 – Mc 1, 1-8
Homélie du P. Franck Gacogne
Un terrain tout plat, morne et uniforme, quelle tristesse ! Je suis sûr que beaucoup d’entre vous comme moi sont attachés à la montagne, amoureux des hauts sommets, des passages escarpés, des contrées sauvages et inaccessibles, je reste convaincu que la nature est belle et nous parle de Dieu quand elle a du cachet, des aspérités et des contrastes ! Alors comment accueillir avec enthousiasme cette invitation de Jean-Baptiste qui cite le prophète Isaïe que nous avons entendu, et qui semble vouloir tout raser et bâtir au bulldozer une autoroute pour la venue du Seigneur ! « préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! ».
Il faut comprendre que quand Isaïe parle, c’est le moment ou après 40 ans d’exil à Babylone, loin de leur terre, le peuple d’Israël entrevoit enfin l’espérance d’un retour. C’est l’annonce d’une libération toute proche. Le Seigneur ne les a pas abandonné, voici qu’il vient pour raccompagner son peuple, tous les obstacles sont maintenant écartés et comme un nouvel exode, Dieu va conduire son peuple comme un berger à travers le désert pour le ramener chez lui. Le relief aplani symbolise en fait cette puissance de Dieu, la levée de tous les obstacles, la fin de la déportation, et avec lui, par lui, le retour au bercail.
Vous savez, des obstacles qui empêchent les gens de croire en Dieu, il y en a beaucoup aujourd’hui : ce peut être un drame arrivé dans la famille, de fausses images de Dieu que l’on porte, une parole d’Eglise qui nous a blessée, une attitude ou des silences scandaleux… Dans l’évangile, Jean-Baptiste interpelle les gens qui viennent le voir comme une bête curieuse. Il leur demande de contribuer à ouvrir des chemins praticables pour ceux qui les entourent, il nous invite à la conversion pour que nos discours et nos actes d’Eglise soient une porte ouverte accessible et désirable vers Celui qui donne la vie, et non pas des paroles creuses et jargonneuses ou encore un labyrinthe piégé de trappes multiples ou de voies sans issue.
Isaïe… Jean-Baptiste… c’est bien de s’en rappeler, mais la venue du Seigneur, ce n’est pas qu’autrefois ; et ce n’est pas non plus seulement à la fin du monde, mais c’est aujourd’hui, et maintenant. Je vous invite donc à nous interroger sur ce que nous faisons aujourd’hui pour préparer la venue du Seigneur dans notre vie et dans le monde ? J’ai entendu beaucoup de choses qui se faisait pour l’Avent, dans telle école, tel lycée : des collectes de jouets, des initiatives de solidarité, des boîtes de Noël, des calendriers de l’Avent inversé : tout cela est très bon et nécessaire. Mais s’il y a « à faire » il y a peut-être et surtout aussi « à être » c’est à dire disposer notre cœur, notre esprit pour laisser Dieu y prendre une place de choix dans notre maison, dans notre famille, dans notre emploi du temps.
Quand nous vivons un événement important, je pense par exemple à une naissance ou d’autres événements qui se font plus rare en ce moment tel qu’un mariage ou un voyage… Avant, nous le préparons avec soin, ensuite nous le vivons avec intensité, et plus longtemps après, nous nous en souvenons avec des photos et un brin de nostalgie. Mais il y a un seul événement de l’histoire qui est différent de tous les autres parce qu’il échappe à ces trois étapes. Cet événement dont je veux vous parler, il a été préparé par plusieurs générations, il a été finalisé par Jean-Baptiste le dernier des prophètes, et il a vu le jour il y a plus de 2000 ans. Ce qui rend cet événement différent de tous les autres, c’est que nous n’avons pas à nous en souvenir. Oui, parce que le souvenir, c’est le propre de ce qui est passé, achevé, jusqu’à ce qu’une génération finisse par le mettre au rebus comme le vestige obsolète d’un autre temps. Cet événement, Saint-Marc en parle ainsi dès le premier verset de son Evangile : « Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu ». Tout est annoncé d’emblée par Marc. J’ai bien cherché dans la suite du récit et je n’ai pas trouvé de fin à ce commencement. Mieux que cela, le texte se termine sur ces mots : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création ». Si nous n’avons pas à nous souvenir de la venue de Jésus-Christ comme d’un éternel et antique recommencement à chaque Noël, c’est parce que Jésus lui-même nous donne la responsabilité aujourd’hui et toujours, de vivre et d’actualiser cette présence et la Bonne Nouvelle qu’il a commencé. Nous en vivons par la foi, nous nous en nourrissons dans les sacrements et nous la mettons en pratique dans nos engagements. Si cette Bonne Nouvelle devient un souvenir, elle disparaîtra… très vite, mais si je continue à « transpirer de l’évangile » (selon une belle expression de Sr Emmanuelle), alors elle continuera sa route et la Bonne Nouvelle de la venue du Christ sera d’une façon incomparable le plus beau des cadeaux à préparer et à offrir. Amen.