L’Epiphanie du Seigneur B – 7 janvier 2024
Is 60, 1-6 – Ps 71 (72) – Ep 3, 2-3a.5-6 – Mt 2, 1-12
Homélie du P. Franck Gacogne
Tirer les rois. D’après Wikipédia, cela se ferait depuis le XIVème siècle en France. Je suis sûr que vous allez le faire en famille et vous connaissez la tradition : Un enfant sous la table lance des prénoms. Et parmi ceux qui sont autour de la table, il y a toujours à la fois ceux qui redoutent la couronne, et ceux qui l’espèrent. Et bien, si pour éviter ce dilemme, on décidait de placer la couronne sur la crèche ! Je vous invite à accomplir ce geste dans votre famille, car il dit tout de l’Epiphanie. Placer la couronne sur la crèche permet d’éviter des jalousies certainement, mais cela permet surtout de ne pas nous tromper de roi. Dans le récit de Matthieu, il n’y en a pas trois, mais seulement deux. Celui que les mages cherchent et qu’ils nomment le roi des Juifs, et celui à qui les mages s’adressent pour se renseigner, le roi Hérode le Grand. Mais il n’y en a qu’un seul des deux vers qui l’on vient se prosterner de très près comme les bergers ou de très loin comme les mages, c’est Jésus.
Mais qu’est-ce que cela peut bien signifier de dire aujourd’hui que Jésus est roi ? Comment être touché par cet honneur rendu à Jésus comme roi. Peut-être que nous pourrions clarifier cela en nous rapportant à une autre fête célébrée chaque année en novembre, celle du « Christ roi de l’univers », et voici les textes de la liturgie qui sont choisie pour cette occasion : selon les années, ce sera ou bien Mt 25 où Jésus dit « tout ce que vous faites aux plus petits d’entre les mieux, c’est à moi que vous le faites » ; ou bien l’évangile de Jean pendant la passion où Jésus qui vient d’être frappé, est enchaîné et interrogé par Pilate : « es-tu le roi des juifs » ; enfin cela peut-être encore dans l’évangile de Luc quand Jésus est sur la croix les soldats se moquent de lui : « si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi-même ». Et à l’épiphanie le roi des juifs prend les traits d’un nouveau né dans une mangeoire. Voilà je pense de quoi balayer toutes nos images d’Epinal sur ce qu’est la royauté. Car, vous avez remarqué, chaque fois que l’on dit de Jésus qu’il est roi, les textes de la liturgie nous le présente petit et humble, délaissé et rejeté, ou encore souffrant, torturé et moqué. Voilà un paradoxe qui donne à penser. Alors tout à l’heure, quand nous dirons tous ensemble « que ton règne vienne » que nous puissions bien réaliser que la venue du règne de Dieu que nous espérons n’est pas celle d’un puissant monarque. Dire « que ton règne vienne », c’est vraiment désirer que le Seigneur règne dans ma vie. Dire « que ton règne vienne », c’est souhaiter que le don de son amour puisse être connu et se répandre en tout lieu. Dire « que ton règne vienne », c’est tout mettre en œuvre pour que ceux dans lequel le Christ s’identifie : les petits, les rejetés, les souffrants aient la première place, parce que c’est vers ceux-là, vers Celui-là que les mages se dirigent, s’inclinent et offrent ce qu’ils ont de plus beau.
La fête de l’Epiphanie vient donner à la fête de Noël sa dimension universelle. Le projet de salut de Dieu est sans frontières « toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse » C’est ce que nous dit saint Paul, et nous ne pouvons que nous en réjouir, car nous sommes de ceux-là, d’une autre nation que la terre qui a vu naître Jésus, et, sauf exception, nous n’avons pas d’origine juive. Mais parfois, on voudrait déformer ou détourner la parole de Paul et l’on voudrait que l’universalité s’arrête à notre porte ! Mais la venue de Jésus comme Messie et comme Sauveur n’a aucune frontière ni dans le temps, ni dans l’espace ; et la convergence des mages vers la crèche en est la manifestation. Les mages qui ne sont sans doute pas juifs se prosternent devant celui qu’ils appellent le roi des Juifs, et ainsi de cette façon, ils reconnaissent à la fois l’origine de Jésus, et sa mission, celle d’être le Seigneur de toute l’humanité. Sachons nous réjouir que le Christ veuille se donner aussi à celui qui m’est différent, et s’il le fait, c’est précisément pour qu’il ne me soit plus indifférent.
C’est devant toi Seigneur, que je me prosterne, et je veux t’offrir ma vie. Roi d’humilité, que ton règne vienne Seigneur, dans ma vie et dans notre monde. Que transformé par ta rencontre, tu donnes à chacun d’emprunter des chemins nouveaux d’humilité et de don de soi. Amen.