32e dimanche du temps ordinaire B – 7 novembre 2021
1 R 17, 10-16 – Ps 145 (146) – He 9, 24-28 – Mc 12, 38-44
Homélie du P. Franck Gacogne
Il est question d’argent et plus précisément, de quantité d’argent dans cet évangile. Dans notre société, je ne sais pas si vous avez remarqué, nous sommes souvent dans la comparaison. Par exemple, chacun veut savoir si à travail comparable il est rémunéré autant qu’un autre. Cette question est bien sûr légitime surtout quand on apprend que les femmes ne bénéficient presque jamais du même salaire qu’un homme pour un travail similaire. Comparer est donc nécessaire quand on recherche et quand on souhaite plus de justice pour celles qui nous entourent, mais comparer devient néfaste quand il s’agit d’un auto-référencement pour notre profit personnel. J’ai remarqué que dans la vie professionnelle, beaucoup cherche à savoir ce qu’ils peuvent prétendre. Il y a même une expression qui s’est développée dans le milieu des cadres, l’un demande à l’autre : « d’après toi qu’est-ce que je vaux ? » Etonnant à première vue de vouloir rapporter les compétences ou les qualités d’une personne à un prix, à une valeur marchande ! Il arrive aussi qu’après un accident, la justice décide de rémunérer un préjudice subi et que l’on s’aperçoive alors, parfois éberlué, qu’une vie peut être chiffrée et qu’en plus toutes ne se valent pas.
Une personne vaut elle ce qu’elle reçoit ou ce qu’elle a ? Dans un tel contexte, vous imaginez bien que la personne qui n’a rien ou qui reçoit peu, ressent très vite le sentiment ne rien valoir, et elle peut alors se demander à quoi elle sert !
Qu’est-ce qui a du prix ? Qu’est-ce qui a de la valeur aux yeux de Dieu ? Eh bien ce ne sont jamais des choses, et l’argent est une chose. Ce qui a du prix pour Dieu, ce sont toujours des personnes. Et pour Jésus, la valeur d’une personne ne se mesure pas à ce qu’elle a. Pour Jésus toute personne a de la valeur, une « valeur absolue » (comme on dit en maths). Toute personne a un prix inestimable à ses yeux simplement par le fait d’exister. Sans aucun jugement de valeur, Jésus ne fait qu’observer la capacité de chacun, non pas à donner, mais à se donner. C’est la scène que nous offre l’évangile aujourd’hui. Dans le Temple, tout le monde voit ceux qui donnent parce que ce sont de grosses sommes et que cela attire l’œil, mais le regard de Jésus est ailleurs, il est le seul à voir celle qui se donne.
Malgré sa discrétion, là où quelques-uns ont peut-être vu dans le don de la pauvre veuve une contribution absolument insignifiante, Jésus, lui, y voit le don le plus important qui puisse être fait. Et Jésus en est tellement marqué et même éblouis qu’il le fait remarquer à ses disciples : « Elle a mis plus que tous les autres, elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre ». Je crois que cette femme est pour lui comme un révélateur de sa conscience. A son tour, et à son exemple, Jésus va maintenant, dans les versets qui suivent, quitter le temple dans lequel il se trouve pour rejoindre le Mont des oliviers, le lieu où, comme la veuve, il donnera lui aussi tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, toute sa vie.
Je crois que ce passage nous invite à essayer d’avoir au quotidien le regard perçant de Jésus qui détecte dans un geste, dans une attitude a priori insignifiante le signe d’une vie donnée. Demandons au Seigneur de nous laisser convertir par ce que nous observons pour, à notre tour choisir comment donner notre vie. Amen.