L’Epiphanie du Seigneur A – 8 janvier 2023
Is 60, 1-6 – Ps 71 (72) – Ep 3, 2-3a.5-6 – Mt 2, 1-12
Homélie du P. Franck Gacogne
Wahouu ! les étoiles plein les yeux, nous venons d’entendre une si belle histoire, sur le mode des contes des mille et une nuit : « il était une fois les rois mages… ». Je ne veux pas casser le mythe et encore moins notre foi chrétienne, mais il nous faut bien prendre conscience que ce récit dans l’évangile de Matthieu n’est pas un reportage qui vient relater un fait historique ! Ce récit est plutôt une construction de toute pièce, mais qui a une visée, une intention. Sachons prendre du recul pour rechercher à travers l’histoire racontée la vérité qu’elle veut nous décrire, l’intention de son auteur. D’une façon générale il ne faut jamais oublier cela quand nous lisons l’évangile. Attention, ce ne sont pas quelques maîtres du soupçon butés et athées qui nous le disent, mais c’est l’évangéliste Jean lui-même à la fin de son livre. Voici ce qu’il écrit à la fin du chapitre 20 : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. » (Jn 20, 30-31) Autrement dit, cet écrit ne vise pas à raconter tout ce qu’a fait Jésus, mais des signes ont été écrits pour nous aider à croire que Jésus est Fils de Dieu. Telle est l’intention de l’évangile : non pas raconter ce qu’il s’est passé, mais donner à comprendre qui est Jésus, donner accès à la foi. Et c’est donc cela qu’il nous faut chercher dans ce récit de l’épiphanie comme chaque fois que nous ouvrons l’évangile en nous posant toujours cette question fondamentale : qu’est-ce que ce récit me révèle de l’identité de Jésus ?
Il me semble que le récit de la venue des mages est spécialement construit pour nous montrer que la venue de Jésus ne concerne pas que le petit peuple de Judée fût-ce-t-il élu, mais comme dit Saint-Paul, « que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus » (Ep 3, 5-6). Pour nous le faire comprendre, Matthieu met alors en scène des personnages venant de l’étranger, de nations lointaines qui reconnaissent cet enfant Jésus comme roi en se prosternant devant lui. Par ce geste Matthieu nous signifie une intention claire : affirmer que la royauté de Jésus s’étend à toutes les nations, tous les peuples, tous les pouvoirs en place comme celui d’Hérode, le signe est d’ailleurs tellement fort qu’il s’affole qu’un nouveau-né puisse lui être une menace.
Les trois présents que les mages lui offrent n’ont d’intérêt que parce qu’ils désignent l’identité de Jésus. En offrant l’or, ils le disent Roi, en offrant l’encens, ils le disent Dieu, en lui présentant la myrrhe (qui servait à embaumer les morts), ils le disent homme et mortel. C’est précisément ce que dit la prière que nous dirons tout à l’heure : « Regarde, nous t’en prions Seigneur, les dons de ton Eglise qui ne t’offre plus ni l’or, ni l’encens, ni la myrrhe, mais celui que ces présents révélaient : Jésus, le Christ ».
Comme si ce decorum ne suffisait pas, la tradition chrétienne ou apocryphe a encore cherché à ajouter des couches de légendes à ce récit, en nous expliquant par exemple que ces mages étaient trois, qu’ils étaient rois, et même, à partir du VIIIème siècle, qu’on connaît leurs noms : Gaspard, Melchior et Balthazar. Pourquoi pas ! Cela ne fait pas tort à l’évangile, à condition que ce folklore ne distraie pas notre attention du message essentiel, à savoir que le Christ nous est donné comme roi et Seigneur de toute l’humanité, mais qu’il vient dans une figure paradoxale, celle d’un nouveau-né pauvre, humble et dépendant.
Que cette page d’évangile nous donne à penser le cœur de notre foi, la crèche diffuse la paix qui vient de Dieu. Que cette fête nous donne de vivre et de promouvoir dans notre monde des temps de paix sans trêve. Amen.