27e dimanche du temps ordinaire A – 8 octobre 2023
Is 5, 1-7 – Ps 79 (80) – Ph 4, 6-9 – Mt 21, 33-43
Homélie du P. Franck Gacogne.
Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, c’est le troisième dimanche consécutif où il est question de vigne. C’est peut-être le temps des vendanges qui veut cela ! La vigne a un sens biblique très fort. Au temps de Jésus dans le moyen Orient, la vigne donne un fruit précieux, et dans l’Ancien Testament, l’image de la vigne a souvent été utilisée pour désigner le peuple Israël, pour indiquer l’amour et l’élection dont il est l’objet : la vigne, c’est le peuple d’Israël planté et soigné par Dieu, ou comme l’affirme le texte du prophète Isaïe que nous venons d’entendre : « La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël ».
Voyons maintenant comment Dieu prend soin de sa vigne et comment il donne la responsabilité d’en prendre soin. Et le point le plus significatif me semble être la liberté offerte et voulue par Dieu à ceux qui reçoivent cette mission. Cet évangile nous appelle à prendre conscience combien Dieu nous veut et nous rend libre. Car bien souvent, et vous en êtes témoins, la religion en générale et l’Eglise catholique en particulier est montrée du doigt comme l’institution qui serait l’archétype de la privation de liberté, et de l’asservissement. Eh bien je suis absolument convaincu du contraire, et cet évangile en est l’illustration.
Car on y voit Dieu offrir une totale liberté d’action aux vignerons à qui est louée la vigne, ils en reçoivent la pleine responsabilité. Mais, et c’est là le problème, il se trouve dans le récit que ces derniers sont incapables d’en user avec sagesse et d’en prendre soin. Rappelons-nous et ayons en tête que cette vigne représente le peuple avec qui Dieu fait Alliance et que Jésus s’adresse aux grands prêtres et aux anciens dont la mission est d’accompagner ce peuple pour qu’il puisse vivre de cette Alliance : ce sont eux, et non Dieu, qui pervertissent la liberté d’action qui leur a été donnée.
Pourtant, ces vignerons n’ont aucune excuse car ils n’ont pas reçu une friche ! Vous l’avez entendu, Dieu bichonne cette vigne, il en prend soin d’une manière extraordinaire : il commence par choisir un coteau plantureux, puis il retourne la terre, retire les pierres, il y met un plant de qualité, il protège la vigne d’une clôture, la surveille et creuse un pressoir. Autrement dit, il donne tout ce qu’il est et tout ce qu’il a pour que cette vigne produise beaucoup de fruit. Il y met toute son énergie et tout son cœur. Mais beaucoup plus encore, voilà que dans une confiance inouïe, il en donne la gestion totale à ces vignerons et il part en voyage.
Toutes les conditions favorables sont réunies, et une liberté pleine et entière est offerte. Mais voilà que les vignerons ont profité et abusé de cette terre, et qu’ils ont fini par refuser celui qui la leur avait confiée. Dieu vient jusqu’à donner son propre Fils, il nous donne Jésus. Et là encore dans une liberté inouïe, Dieu accepte que son propre Fils puisse être rejeté, méprisé, crucifié, il accepte au nom de cette liberté originelle que l’amour soit refusé. Je crois que l’une des expressions sous-jacentes les plus employée dans les évangiles, c’est « si tu veux », si tu veux viens et suis-moi ; venez, et voyez… On est loin de l’embrigadement et de la contrainte !
Les grands prêtres et les anciens (à qui s’adressent cette parabole) s’offusquent de l’attitude de ces vignerons, ils proposent de faire périr ceux qui ont rejeté le Fils, tout en ne comprenant pas, ironie de l’histoire, que c’est d’eux dont il s’agit ! Ils disent à Jésus : « ces misérables, il les fera périr misérablement » et ils sont convaincus du bien-fondé de leurs propos. Dans l’évangile de mardi dernier, des villages samaritains refusaient de recevoir Jésus, alors Jacques et Jean, les bien nommé « fils du tonnerre » lui demandaient avec le même aplomb : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? » Eh bien dans un cas comme dans l’autre, Jésus les contrecarre et refuse catégoriquement toute violence contre ceux qui le rejettent. Jésus n’a pas l’intention de condamner qui que ce soit, il respecte le refus qui lui est opposé jusqu’à la croix où il est capable de dire : « Père pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Jésus invite plutôt à poursuivre le chemin pour offrir l’opportunité d’une rencontre à ceux qui la désirent. Il propose le Royaume de Dieu à d’autres, à ceux qui seront capables de mesurer le prix du don de Dieu, le prix du véritable amour partagé, parce que leur existence est en attente. Vous verrez, ce sera à nouveau le thème dimanche prochain. Mais déjà dimanche dernier, nous l’avons entendu dans la bouche de Jésus : « les publicains et les prostitués vous précèdent dans le Royaume de Dieu ». Cela signifie que le Royaume est donné à tous, mais qu’il faut en avoir soif pour l’accueillir. Dieu ne s’impose pas, il nous veut libre de le désirer. Alors si nous le cherchons au cœur de notre existence en voulant porter du fruit, nous vivrons déjà du Royaume.
Certainement que si nous sommes là ce matin c’est que nous voulons faire du Christ la pierre angulaire de notre foi, cette pierre, nous avons parfois du mal à la porter parce que le regard des autres est indifférent, dubitatif, parfois méprisant, mais cette pierre angulaire qu’est Jésus Christ, nous la choisissons délibérément et librement pour assurer les fondations de notre vie, et pour porter du fruit. Amen.