C’est par une veillée de prière œcuménique nommée « together » ce samedi 30 septembre à Rome qu’ont été posées les bases spirituelles nécessaires pour bien vivre la première session du synode sur l’avenir de l’Eglise. Une veillée orchestrée par la communauté de Taizé, rassemblant responsables et fidèles de toutes les Eglises pour, tous ensemble, demander à l’Esprit Saint de venir nous éclairer afin de chercher à mettre en œuvre le désir et la prière de Jésus : « qu’ils soient UN » (Jn 17, 21-23). Cette veillée voulue par le pape François indiquait ainsi clairement dans quel esprit l’Eglise catholique devait entrer ce 4 octobre pour cette première session de travail sur la synodalité dans l’Eglise.
Les jeunes qui viennent pour la première fois à Taizé sont souvent étonnés par cette invitation à faire silence au cœur de la prière, un temps long de huit minutes. L’étonnement passé, ils sont touchés par leur capacité à faire silence bien que plusieurs centaines ou plusieurs milliers rassemblés dans un même lieu… alors l’Esprit-Saint peut parler au cœur.
Au cours de cette veillée où un long silence habité a été vécu, le pape François en a proposé une méditation dont voici l’essentiel :
« Premièrement, le silence est essentiel dans la vie du croyant. […]. Ce soir, nous, chrétiens, nous nous tenons en silence devant le Crucifix de Saint-Damien, comme des disciples à l’écoute devant la croix, qui est la cathèdre du Maître. Notre silence n’a pas été vide, mais a été un moment rempli de foi, d’attente et de disponibilité. Dans un monde plein de bruit, nous ne sommes plus habitués au silence, et nous avons même parfois du mal à le supporter parce qu’il nous met face à Dieu et face à nous-mêmes. Et pourtant, il est le fondement de la parole et de la vie. Saint Paul dit que le mystère du Verbe incarné a été « gardé depuis toujours dans le silence » (Rm 16, 25), il nous enseigne que le silence garde le mystère, comme Abraham gardait l’Alliance, comme Marie gardait dans son sein et méditait dans son cœur la vie de son Fils (cf. Lc 1, 31 ; 2, 19 51). Par ailleurs, la vérité n’a pas besoin de cris violents pour atteindre le cœur des hommes. Dieu n’aime pas les proclamations et les clameurs, le bavardage et le vacarme : Dieu préfère plutôt, comme il l’a fait avec Élie, parler dans le « murmure d’une brise légère » (1 R 19,12), dans un « fin silence sonore ». Et alors, nous aussi, comme Abraham, comme Élie, comme Marie, nous avons besoin de nous libérer de tant de bruits pour entendre sa voix. Car ce n’est que dans notre silence que sa Parole résonne.
Deuxièmement, le silence est essentiel dans la vie de l’Église. Les Actes des Apôtres racontent qu’après le discours de Pierre au Concile de Jérusalem, « toute la multitude garda le silence » (Ac 15, 12) en se préparant à recevoir le témoignage de Paul et de Barnabé sur les signes et les prodiges que Dieu avait accomplis parmi les nations. Et cela nous rappelle que le silence dans la communauté ecclésiale rend possible la communication fraternelle dans laquelle l’Esprit Saint harmonise les points de vue ; parce qu’Il est harmonie. Être synodal veut dire s’accueillir les uns les autres en ayant conscience que nous avons tous quelque chose à témoigner et à apprendre, en nous mettant ensemble à l’écoute de « l’Esprit de vérité » (Jn 14, 17) pour savoir ce qu’il « dit aux Églises » (Ap 2, 7). Et le silence permet justement le discernement, à travers l’écoute attentive des « gémissements inexprimables » (Rm 8, 26) de l’Esprit qui résonnent, souvent cachés, dans le Peuple de Dieu. Demandons donc à l’Esprit le don de l’écoute pour les participants au Synode : « Écoute de Dieu jusqu’à entendre avec Lui le cri du peuple ; écoute du peuple, jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle ».
Enfin, troisièmement, le silence est essentiel sur le chemin de l’unité des chrétiens. En effet, il est fondamental pour la prière qui est le point de départ de l’œcuménisme et sans laquelle il est stérile. Jésus, en effet, a prié pour que ses disciples « soient un » (Jn 17, 21). Le silence qui devient prière permet d’accueillir le don de l’unité « comme le Christ la veut », « avec les moyens qu’il veut » (cf. P. Cᴏᴜᴛᴜʀɪᴇʀ, Prière pour l’unité), et non comme le fruit autonome de nos efforts et selon des critères purement humains. Plus nous nous tournons ensemble vers le Seigneur dans la prière, plus nous sentons que c’est Lui qui nous purifie et nous unit au-delà des différences. L’unité des chrétiens grandit dans le silence devant la croix, comme les semences que nous recevrons et qui représentent les différents dons accordés par l’Esprit Saint aux diverses traditions : nous avons le devoir de les semer, avec la certitude que Dieu seul donne la croissance (cf. 1 Co 3, 6). Elles seront un signe pour nous, appelés à notre tour à mourir silencieusement à l’égoïsme pour grandir, sous l’action de l’Esprit Saint, dans la communion avec Dieu et la fraternité entre nous.
C’est pourquoi, frères et sœurs, nous demandons dans la prière commune de réapprendre à faire silence : pour écouter la voix du Père, l’appel de Jésus et le gémissement de l’Esprit. Demandons que le Synode soit un kairós de fraternité, un lieu où l’Esprit Saint purifie l’Église des bavardages, des idéologies et des polarisations. Alors que nous nous dirigeons vers l’important anniversaire du grand Concile de Nicée, demandons de pouvoir adorer unis, et en silence comme les Mages, le mystère du Dieu fait homme, certains que, plus nous serons proches du Christ, plus nous serons unis entre nous. Et comme les sages d’Orient furent conduits à Bethléem par une étoile, que la lumière céleste nous guide vers l’unique Seigneur et vers l’unité pour laquelle Il a prié. Frères et sœurs, mettons-nous en route ensemble, désireux de le rencontrer, de l’adorer et de l’annoncer « pour que le monde croie » (Jn 17, 21). »